Vendredi 12 février, la Haute autorité de santé (HAS) a pour la première fois émis des recommandations pour la prise en charge des Covid longs. En attendant, de nombreux patients souffrent de symptômes qui perdurent et d’une situation dont ils n’entrevoient parfois pas l’issue. C’est le cas de Cécilia*, 40 ans, qui va bientôt “fêter” les 1 an de son infection à la Covid-19.
- Pourquoi Docteur – Comment avez-vous su que vous étiez atteinte d’un Covid long ?
Cécilia* - Je suis d’abord tombée malade début mars. Cela a débuté par une toux très sèche. Je suis d'habitude en très bonne santé physique, je fais attention à mon alimentation, je suis sportive, marathonienne donc je n’étais pas inquiète. Une semaine après, j’ai commencé à avoir du mal à respirer, comme si un gros monsieur était assis sur ma poitrine. Très vite, cela s’est transformé en détresse respiratoire et j’avais 38 de fièvre. Quand le Samu est venu me chercher, je n’arrivais plus à parler. Les Urgences du CHU de Rennes m’ont gardé quelques heures et m’ont fait passer des tests avant de me dire que tout est normal, sans me faire un test Covid. Quand je suis rentrée chez moi, je ne pouvais plus manger, j’avais des problèmes gastriques. J’ai perdu 10 kilos en un mois, j’ai perdu tous mes muscles et je continuais à avoir du mal à respirer avec des sifflements. J’ai fait une autre rechute deux jours après avec une nouvelle crise respiratoire. À ce moment-là, j’étais alitée.
Fin avril, je n’allais pas beaucoup mieux. Mon médecin généraliste, qui m’a beaucoup suivi, a repéré des signes d’embolie pulmonaire. J'ai été admise dans une unité Covid où j’ai passé un scanner thoracique qui n’a rien révélé. J’ai passé la nuit à l’hôpital où on m’a dit que des cas comme le mien commençaient à apparaître.
Début mai, j’allais mieux et j’ai pu reprendre le travail à distance. Au bout de 10 jours, j’ai eu une crise inflammatoire, des fourmis dans les membres, je ne tenais plus sur mes jambes, je souffrais de douleurs articulaires à ne plus pouvoir marcher et des brûleurs à la fois articulaires et cutanées. J’ai souffert de tout ça pendant plusieurs jours. On ne savait plus quoi faire de moi et on m’a prescrit des antidépresseurs sans que je comprenne pourquoi. On me disait que c’était dans ma tête. J’ai ensuite eu rendez-vous avec une interniste qui a commencé à s’intéresser aux Covid longs et qui a remarqué que ma situation n’était pas normale. Elle a remarqué que j’avais un déséquilibre immunitaire provoqué par la Covid, un problème inflammatoire et de l’asthme.
Fin septembre, après quelques rechutes pendant l’été, ça allait un petit peu mieux mais je suis très loin d’avoir retrouvé ma forme d’avant. En novembre, j’ai subi une opération pour un autre problème et j’ai ensuite fait une grosse rechute pendant un mois. Depuis décembre, j’oscille entre coups de moins bien et du mieux. J’ai moins de grosses rechutes mais j’ai perdu mon emploi à cause de ma situation.
- À partir de quand est-on considéré comme atteint d'un Covid long ?
En général, si au bout de quatre semaines les symptômes sévères persistent et qu’il y a des rechutes, les risques sont grands. À partir de l’identification des symptômes et de leur durée au-delà de ces quatre semaines, on peut penser à un Covid long. Après, dans les Covid longs il y a des Covid plus ou moins longs. Seulement 10% d’entre eux ne sont pas guéris au bout de 6 mois. J’en fais partie. Mais même chez certains patients qui sont guéris, il y a des restes sans qu’ils soient sévères ou handicapants.
- Qu’est-ce qui change au quotidien ?
Aujourd’hui, alors que je vais un peu mieux, je reste très fatiguée. Je ne peux pas prévoir beaucoup de choses. Mercredi dernier, il faisait beau donc je suis sortie avec ma fille. Le lendemain, j’étais très fatiguée. Il faut savoir gérer sa fatigue. Moi qui suis très sportive, je ne peux plus courir, plus faire de sport. Je fais uniquement de la rééducation. Hier matin, j’ai fait 15 minutes de vélo elliptique. Hier soir, j’ai fait une crise respiratoire, j’avais du mal à parler, je n’avais plus de voix et mal à la poitrine. Je ne peux plus vraiment jouer avec ma fille. Après le déjeuner, je dois faire 20 minutes de sieste. J’ai également ma vue qui a baissé et je dois désormais porter des lunettes.
- Êtes-vous prise en charge ?
Je suis suivie par de nombreux médecins de plusieurs disciplines. Je consulte un médecin spécialiste en médecine interne, un pneumologue, j’ai deux séances chez un kiné respiratoire, je vois un kiné mobilité, une dermatologue pour des problèmes cutanés et je fais de la rééducation orthophoniste. Mais tout ça n’est pas fait au même endroit, il n’y a pas de suivi général. En plus, tout cela est très cher.
- Comment est née l’association “Après J20” ?
Tout a commencé par des discussions sur les réseaux sociaux à partir d’avril. On a été plusieurs à constater que l’on avait des symptômes particuliers et des douleurs similaires. On a échangé avec des associations internationales, notamment Long Covid en Angleterre qui ont été plus rapides que nous à reconnaître et prendre en charge les Covid longs. On s’est dit qu’il fallait se faire reconnaître en France. On a formé un collectif en juin/juillet. Certaines décisions médicales nous ont alors beaucoup étonnés par rapport à nos situations. On a également eu beaucoup de réactions à nos témoignages pour nous traiter de tarés. Fin août, on a réussi à être invité à une visioconférence de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) au cours de laquelle elle a reconnu le Covid long. On a transformé le collectif en association le 16 octobre dernier.
- Quels sont les objectifs de l’association ?
Notre objectif est de faire entendre la maladie. On souhaite qu’elle soit reconnue officiellement par le gouvernement. Nous sommes auditionnés demain (l’entretien a été réalisé le lundi 15 février) au cabinet du ministère de la santé. Nous voulons également qu’il y ait une prise en charge multidisciplinaire des patients. Au niveau national, rien n’existe à part à l’Hôtel Dieu de Paris et à l’Hôpital Foch à Suresnes ou encore à la Pitié-Salpêtrière mais la situation commence à évoluer. Vendredi dernier, la HAS a publié un guide de prise en charge des Covid longs pour lequel nous avons collaboré pendant plus d’un mois. On souhaite également apporter une aide pour la recherche et on souhaiterait monter un appel de fonds. On veut que soit mis en place un parcours multidisciplinaire qui propose des traitements en fonction du tableau Covid long du patient. Ce qu’il faut, c’est avoir une orientation des patients. Aujourd’hui, ce sont les médecins traitants qui ont beaucoup joué ce rôle.
* : nom d'emprunt.