En déposant des centaines d'amendements, des députés de droite ont mis un coup d'arrêt à l'examen par l’Assemblée nationale en deuxième lecture du texte autorisant l'accès à l'avortement jusqu'à la 14e semaine de grossesse, prévu jeudi 18 février. Une action politique qui suscite l'indignation de la gauche, porteuse de cette proposition de loi.
500 amendements
"Examiner 500 amendements suppose entre 18 et 20 heures de débat, or notre journée parlementaire n'en comporte que 11 h 30. Par conséquent, il ne sera pas possible d'examiner ces amendements", regrette Valérie Rabault, présidente du groupe parlementaire Socialistes et apparentés, citée par France 24. La députée du Tarn-et-Garonne renchérit : "c'est évidemment un crève-cœur et surtout du temps perdu pour faire avancer les droits des femmes."
Les députées Marie-Noëlle Battistel (PS) et Cécile Muschotti (LREM), auteures du rapport à l'origine de la proposition de loi polémique, préconisent "d’allonger le délai de l’IVG chirurgicale de deux semaines, pour le faire passer de douze à quatorze semaines de grossesse, afin d’éviter que les femmes confrontées à des difficultés en début de parcours (errance médicale, délais de rendez-vous trop longs…), se trouvent hors délai et dans l’impossibilité de faire pratiquer une IVG en France."
5 000 françaises seraient obligées de se rendre à l’étranger pour avorter
Des problèmes de timing aggravés par la crise du coronavirus, mais pas que. "En France, la principale explication aux difficultés d’accès à l’IVG résulte essentiellement du désintérêt à l’égard d’un acte médical peu valorisé", notent les députées, qui soulignent : "seuls 2,9 % des généralistes et gynécologues et 3,5% des sages-femmes" ont pratiqué une IVG en 2018.
Près d’une femme sur trois a recours à l’avortement au cours de sa vie. Le nombre d’IVG en France oscille chaque année entre 225 000 et 230 000 interventions, des chiffres stables depuis 2001. Chaque année, 3 à 5 000 françaises seraient obligées de se rendre à l’étranger, notamment en Espagne et aux Pays-Bas, afin d’avorter une fois les 12 semaines légales écoulées. Une démarche coûteuse, qui crée de fait une inégalité d’accès à ce type de soins.
De nombreux professionnels de santé sont opposés à ce projet de loi
Reste que de nombreux professionnels de santé sont opposés à ce projet de loi, notamment parce qu’à 14 semaines de grossesse, le crane du fœtus est déjà formé. L'Académie de médecine assure par ailleurs, dans un communiqué paru le 10 octobre 2020, "qu'en portant ce délai à seize semaines d’aménorrhée (absence de règles) – soit quatorze semaines de gestation – on augmente le recours à des manœuvres chirurgicales qui peuvent être dangereuses pour les femmes et à une dilatation du col plus importante, susceptible de provoquer des complications à long terme, comme un accouchement prématuré." Pour l'institution, cette mesure serait même contre-productive, puisqu'elle "ne répond à aucune demande légitime des femmes qui espèrent au contraire une prise en charge plus rapide, avec le risque d’augmenter le délai de leur démarche."
Même son de cloche chez le Conseil national de l'Ordre des médecins, qui, dans un communiqué de presse aussi paru le 10 octobre 2020, assure que cette mesure "ne permettra pas de garantir l'accès sans entrave à l'IVG", et qu'il faut au contraire "assurer, en tout point du territoire, la mise à disposition pour les femmes des moyens matériels et professionnels de prise en charge de qualité."