Un médicament qui avertit s’il a été pris ? Ce n’est pas de la science fiction mais désormais la réalité. Le principe est simple. Le cachet ou la pilule à avaler est entouré d’un minuscule capteur, de la taille d’un grain de sable et composé uniquement d’ingrédients comestibles. Quand il arrive dans l’estomac, sa décomposition déclenche l’envoi d’un signal à un récepteur collé sur le bras du malade. Ce récepteur, une sorte de patch électronique, qui peut aussi enregistrer en même temps le rythme cardiaque et la température du patient, transcit les informations en SMS ou e-mail qu’il envoie à un téléphone portable ou un ordinateur. Le médecin peut aussitôt savoir si le médicament a été avalé, et à quelle heure.
Des comprimés avec capteurs testés chez des schizophrènes
Ce dispositif a été mis au point par une start up californienne de la Silicon Valley. Les ingénieurs de la société Proteus Digital Health ont travaillé pendant quatre ans avant que leur dispositif innovant ne reçoive l’agrément des autorités sanitaires américaines. Le dispositif a été testé chez des personnes souffrant de troubles bipolaires ou de schizophrénie. 28 malades ont pris des comprimés équipés du capteur. Les auteurs de l’étude au Zucker Hillside Hospital à New York n’ont pas constaté d’effets indésirables majeurs : pas de problèmes gastriques, pas d’aggravation de la psychose attribuable au dispositif, seulement quelques irritations mineures chez cinq personnes au niveau du patch posé sur le bras mais qui n’ont pas conduit à l’arrêt de l’expérience. Sur les 27 personnes ayant terminé l'étude, 19 ont trouvé le concept facile à comprendre, 21 ont dit qu'ils aimeraient recevoir des rappels sur leur téléphone cellulaire s’ils ont oublié de prendre leurs médicaments, et 24 pensait que le dispositif pourrait leur être utile.
Un SMS contre les oublis de traitement
La société a annoncé de nouvelles expérimentations chez des personnes victimes d’un infarctus au Royaume-Uni. « C’est un système utile pour dépister le problème de non adhérance au traitement, estime le Dr Thomas Cuisset, cardiologue au CHU de Marseille, mais après il faut aller plus loin pour l’inciter à prendre son traitement ». Le cardiologue a déjà été confronté au problème. Avec d’autres confrères, il s’aperçoit que plus de 10% des patients équipés d'un stent cardiaque (ressort métallique positionné dans une artère) ne prennent pas le traitement antiplaquettaire (comme l’aspirine) prescrit immédiatement après l'opération. « Ce type d’oubli multiplie par 50 le risque de faire un infarctus… », souligne le Dr Thomas Cuisset.
Pour y remédier, les cardiologues du service ont alors renforcé l’éducation thérapeutique des malades. Ils ont instauré une carte informative, comme pour les cartes de donneurs d’organe, pour signaler aux professionnels de santé de ville que leur patient porte un stent. Généraliste, infirmière, kiné peuvent alors aussi faire des rappels d’éducation thérapeutique. Dernière initiative, ils ont mis en place un système d’envoi de SMS personnalisés pour rappeler aux personnes de prendre leur traitement, lors du premier mois après l’hospitalisation. « Le système a fait ses preuves et nous a permis de réduire significativement le nombre de personnes qui ne prennent pas leur aspirine », témoigne le cardiologue. Seuls 5% des malades stimulés par SMS cessent de prendre leurs médicaments.
Ecouter le Dr Thomas Cuisset. « Notre système a été conduit auprès de 400 patients, cela nous a coûté près de 5000 euros, une goutte d’eau par rapport au prix des hospitalisations, des stents ou des médicaments. »
Ces technologies en plein développement peuvent s’adresser à beaucoup de situations. L’Organisation mondiale de la santé pointe qu’un malade sur deux ne respecte pas son traitement, surtout chez les personnes âgées qui se perdent dans la masse de pilules à avaler chaque jour. Mais, cela pourrait aussi être utile pour les plus jeunes qui ont des maladies chroniques comme le diabète, ou tout simplement pour la contraception.
Des "mouchards" au service de la sécu
Ces systèmes utilisés par les professionnels de santé peuvent aussi être utlisés par les organismes financeurs des système de soins pour contrôler que le malade prend bien le traitement qui lui est remboursé. Ainsi en France, depuis janvier dernier, les personnes souffrant d’apnée du sommeil et équipés d’un système de respiration assistée, appelée la pression positive continue (PPC) doivent utiliser leur appareil pour se faire rembourser. Le principe est le suivant : leur équipement de PPC est équipé d’un mouchard qui enregistre le nombre d’heures pendant lequel il est utilisé. En-dessous de trois heures d’utilisation par nuit pendant deux mois, le taux de prise en charge par la sécurité sociale chute de moitié. Au bout de quatre mois de mauvaise observance, le remboursement est supprimé et aucune nouvelle prise en charge ne sera acceptée avant six mois.
Ecouter le Dr Thomas Cuisset. « Il faut remettre en perspective les conditions économiques dans lesquelles on vit. La moindre des choses pour un patient quand on lui prescrit des médicaments, c’est quand même qu’il les prenne. »