- Les chercheurs ont découvert que l'aire de Broca, située à l'intérieur du cortex, dans le lobe frontal, était aussi impliquée dans l'analyse de la langue des signes chez les personnes malentendantes.
- Cette zone du cerveau, qui est l'aire motrice du langage parlé, ne s'active en revanche pas chez elles de la même façon. Contrairement aux personnes entendantes, les gestes des mains et les expressions faciales constituent l’intégralité du contenu linguistique.
Quelle est la différence, pour notre cerveau, entre la langue orale et la langue des signes ? Des scientifiques de l'institut Max-Planck de neurologie et des sciences cognitives, à Leipzig, en Allemagne, viennent de répondre à cette question en mettant en commun des données de traitement du langage des signes issues de plusieurs études menées dans le monde entier. Leurs travaux viennent d’être publiés dans la revue Human Brain Mapping. "Une méta-étude nous donne l'opportunité d'avoir une vue d'ensemble de la base neurale de la langue des signes, explique Emiliano Zaccarella, l’un des auteurs de l'article et chef de groupe au département de neuropsychologie de l’institut Max-Planck. Ainsi, pour la première fois, nous avons pu identifier statistiquement et de manière solide les régions cérébrales impliquées dans le traitement du langage des signes de toutes les études." D’après leurs résultats, la région du cerveau qui est la plus impliquée dans le traitement de la langue des signes est l'aire de Broca, située dans le lobe frontal de l'hémisphère gauche.
La langue des signes et celle orale sont différentes pour le cerveau
Pour le cerveau, la langue orale est différente de celle des signes. Celle-ci a une organisation, un sens et une grammaire qui lui sont propres. De précédentes études sur le traitement de la langue des signes dans le cerveau humain ont mis en avant des similitudes et des différences entre la linguistique orale et celle des signes. Mais, jusqu'à présent, les chercheurs n’arrivaient pas à analyser la façon dont les deux formes de langages étaient traitées dans le cerveau. Les scientifiques de l'institut Max-Planck ont d’abord vérifié que l'aire de Broca était aussi sollicitée par la langue parlée. Pour cela, ils ont comparé leurs résultats avec une base de données contenant plusieurs milliers d'études avec des scans cérébraux. Ainsi, ils estiment que cette région du cerveau, l'aire de Broca, joue aussi un rôle important dans la langue parlée, notamment pour la grammaire.
L'aire de Broca s’activent toujours chez les personnes sourdes
Les chercheurs ont aussi réussi à montrer que le lobe frontal droit, c’est-à-dire l’équivalent de l'aire de Broca mais sur la partie gauche du cerveau, était impliqué dans la langue des signes. Le lobe frontal droit était déjà connu dans de précédentes études car il permet de traiter les aspects non linguistiques du langage, tels que les informations spatiales ou sociales de son interlocuteur. C’est lui, par exemple, qui analyse les mouvements des mains, les mimiques du visage ou du corps lors d’une conversation. Cette nouvelle étude confirme aussi le rôle de cette zone dans la langue des signes. Néanmoins, la différence entre les personnes entendantes et sourdes est que ces dernières n’activent pas seulement le lobe frontal droit pour comprendre les signes de leur interlocuteur mais aussi l'aire de Broca. Pour eux, les gestes constituent l’intégralité du contenu linguistique, ce qui nécessite l’activation de cette aire de Broca dans leur cerveau pour les analyser. Tandis que les entendants, eux, activent l'aire de Broca dans le langage oral mais ne l’activent pas pour analyser ces gestes, c’est leur le lobe frontal droit qui s’en charge. La raison est que les gestes, pour les entendants, ne constituent pas l’intégralité du message linguistique. Ils ne sont que des mouvements annexes, qui apportent un plus mais ne déterminent pas la compréhension de leur interlocuteur.
"Le cerveau est donc spécialisé dans le langage en soi, pas seulement oral"
L'aire de Broca s’active aussi bien pour la langue parlée et que celle orale, mais pas de la même façon. Les chercheurs estiment donc qu’elle est un nœud central dans le réseau linguistique du cerveau humain, car elle est aussi importante pour l’écriture. Mais en fonction du signal à analyser - signe, son ou caractère écrit - cette zone fonctionne avec d’autres réseaux, ce qui explique qu’elle s’active toujours chez les personnes sourdes, et moins chez les personnes entendantes. "Le cerveau est donc spécialisé dans le langage en soi, pas seulement oral", conclut Patrick C. Trettenbrein, l’un des auteurs de l’étude et doctorant à l'institut Max-Planck. Désormais, les scientifiques travaillent à déterminer si l'aire de Broca est aussi impliquée dans la grammaire de la langue des signes chez les personnes sourdes, comme c’est le cas chez celles entendantes.