Les étudiants de l’une des plus prestigieuses facultés de médecine américaines sont en colère. Et 200 d’entre eux l’ont fait bruyamment savoir en organisant un mouvement de protestation. A l’origine de cette rébellion, une mauvaise note. Pas celle d’un étudiant mais celle que l’association nationale des étudiants en médecine américains a attribué à la faculté. Harvard a tout simplement écopé de la plus mauvaise note, F. Ce qui lui vaut ce camouflet, serait son piètre « contrôle des financements industriels ». En clair, Harvard est accusé de ne pas surveiller les liens que ses enseignants entretiennent avec l’industrie. Ces derniers sont du coup suspectés de partialité. Sous la pression des étudiants, l’université a vite corrigé le tir en obligeant les professeurs et les conférenciers à exposer en classe, directement devant les étudiants, les liens éventuels qu’ils ont établis avec des firmes, notamment pharmaceutiques. A l’occasion, ils ont découvert que l’un de leurs vénérés professeurs avait des connexions avec pas moins de 47 sociétés ! En Grande-Bretagne, le débat sur les conflits d’intérêts dans l’enceinte des facultés de médecine est aussi plutôt vif. Un article paru dans le British Medical Journal en janvier dernier révélait que, dans certaines universités, les cours de pharmacologie étaient dispensés directement par des laboratoires pharmaceutiques. Les étudiants de la Brighton and Sussex medical school se déplacent carrément au siège du laboratoire pour suivre leur cours. Pour les facultés, c’est un moyen de faire des économies – les firmes ne se font pas payer pour délivrer cet enseignement – et de combler la pénurie de pharmacologues.
Des étudiants peu regardantsEt en France ? La situation n’est évidemment pas comparable. « Tout d’abord parce que nos professeurs sont des fonctionnaires, » explique le Pr Jean-Pierre Farcet. Pour autant, le doyen de la faculté de médecine Paris XII ne nie pas le problème. « Le lien avec l’industrie pharmaceutique est donc moins immédiat en France qu’aux Etats-Unis mais cela ne veut pas dire qu’il n’existe pas. Notamment parce que les enseignants hospitalo-universitaires conduisent des essais cliniques pour l’industrie. » Questions au Pr Jean-Pierre Farcet, doyen de la faculté de médecine Paris 12 Evaluer l’indépendance des enseignantsVous êtes-vous déjà interrogé sur les liens que les enseignants de la faculté pouvaient entretenir avec l’industrie ? Dr Jean-Pierre Farcet. Je ne m’en suis jamais préoccupé depuis trois ans que j’exerce mes fonctions de doyen. Et à ma connaissance, aucun de mes confrères ou prédécesseurs n’a fait d’enquête auprès de ses enseignants-chercheurs pour savoir jusqu’à quel point ils étaient impliqués avec l’industrie pharmaceutique et si cela pouvait avoir des retentissements sur leur manière d’enseigner.
Quelle instance pourrait jouer le rôle du gendarme ?
Faut-il que les facultés soient aussi évaluées sur ce thème ? Entretien avec C.C. |