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QUESTION D'ACTU

Journée mondiale de l'anosmie

Perte de l'odorat et Covid-19 : «l’anosmie disparaît dans la majorité des cas en moins d’un mois»

À l’occasion de la journée mondiale de l’anosmie ce samedi 27 février, le médecin-chirurgien ORL spécialisée en rhinologie et en troubles de l’odorat au Centre hospitalier intercommunal de Créteil, Émilie Bequignon, décrypte ce symptôme qui est l’un des plus fréquents, et surtout le plus spécifique, lors d’une infection à la Covid-19.

Perte de l'odorat et Covid-19 : \ Liudmila Cheklova/iStock




Pourquoi Docteur - Qu’est-ce que l’anosmie ?

Émilie Bequignon - Il s’agit d’une perte complète de l’odorat. Il ne faut pas confondre avec l’hyposmie qui caractérise la diminution de l’odorat. Il existe également les parosmies qui concernent les sensations erronées par rapport à ce que les patients devraient sentir, et les fantosmies qui sont des odeurs fantômes sans aucun stimulus olfactif. Dans le cadre de la Covid-19, l’anosmie apparaît dans environ 50% des cas mais est dans la majorité des cas résolutive en moins d’un mois. Avec un peu de recul, on observe également une anosmie post-Covid avec plusieurs patients qui n’ont plus d’odorat après plusieurs semaines, voire plusieurs mois, après l’infection.

Comment se déclenche l’anosmie ?

La diminution des capacités olfactives vient souvent avec l’âge. Elle peut également être un signe précurseur de maladies neurodégénératives comme Alzheimer ou Parkinson. Les sinusites chroniques comme la polypose peuvent la déclencher puisqu’elles se caractérisent par la formation de polypes dans les fosses nasales, obturant l’endroit où l’on est censé capter les odeurs. Cela touche environ 2 à 4% de la population. Il peut également y avoir une anosmie post-traumatique. Lors d’un traumatisme cérébral avec contusion cérébrale, il peut y avoir des lésions des bulbes olfactifs – l’organe de l’odorat qui se situe dans le lobe frontal du cerveau - qui peuvent être irréversibles. 

Enfin, les anosmies post-virales dues à d’autres virus que le coronavirus sont possibles. À la suite d’un rhume banal, des personnes ne retrouvent pas le goût et l’odorat après les 4-5 jours de la phase aiguë. Elles peuvent avoir des séquelles et ne jamais récupérer complètement leur odorat.

Pourquoi est-ce aussi fréquent avec la Covid-19 ?

On ne le sait pas encore précisément mais une hypothèse est notamment mise en avant. Au niveau de la fosse nasale, il y a une petite zone – de l’ordre du cm2 –, la fente olfactive, située au niveau du “toit” des fosses nasales qui capte les molécules odorantes. Au niveau de la muqueuse olfactive, il y a des cellules de soutien qui sur-expriment le récepteur ACE2 qui est utilisé comme porte d’entrée par le virus pour infecter les cellules.

Une étude scientifique récente estime que l’anosmie peut durer au moins 5 mois chez certains patients atteint de la Covid-19. Savez-vous est la cause de ce phénomène persistant ? 

On pense que dans les Covid longs, le neuro épithélium olfactif est détruit. Des imageries ont montré également un hypométabolisme des voies centrales olfactives. Des chercheurs ont inoculé du SARS-CoV-2 à des souris et ont montré que le virus détruit le neuro épithélium olfactif. La repousse neuronale ne se fait plus et cela provoque l’anosmie séquellaire. 

Comment diagnostique-t-on l’anosmie ?

On effectue une olfactométrie lors d’une consultation afin de mesurer la capacité olfactive. L’examen se nomme “sniffin’ stick test” et consiste à faire sentir des stylos odorants au patient. D’abord, on teste l’odorat du patient avec des concentrations plus ou moins fortes de rose pour déterminer le seuil olfactif. On effectue ce test à l’aveugle. Après ce test qualitatif, on effectue deux autres exercices. Le premier consiste à discriminer des odeurs à l’aide de 3 stylos et le patient doit détecter lequel a une odeur différente des deux autres. Cela permet de tester sa capacité à différencier les odeurs. Le second se résume à identifier l’odeur d’un stylo odorant parmi quatre propositions possibles : au patient de trouver la bonne. L’olfactométrie est souvent prédictive de la qualité de la récupération.

Peut-on récupérer d’une anosmie ? 

Pendant la phase aiguë de l’infection, cela ne présente pas d’intérêt de vouloir agir. Dans la majorité des cas, cette phase est suivie d’une récupération naturelle. Mais chez certains, il y a ensuite une phase inflammatoire avec la formation d’un œdème localisé qui peut engendrer des séquelles. La prise de corticoïdes peut être indiquée. Par ailleurs, il a été découvert que les neurones de la muqueuse olfactive ont une plasticité qui fait qu’ils peuvent se régénérer tous les 2 à 3 mois. Toute la rééducation se base sur ce principe de plasticité. L’objectif est de stimuler la repousse des neurones par la stimulation de l’odorat. La rééducation se fait souvient à l’aide d’huiles essentielles qui ont une forte concentration en odeurs. On demande aux patients de sentir de 4 à 10 odeurs différentes pendant 5 minutes matin et soir pendant 12 semaines. Cet exercice ne doit pas être fait à l’aveugle, l’objectif n’est pas de deviner les odeurs. En effet, il y a également une partie de l’odorat qui est lié à la mémoire olfactive. Faire appel à sa mémoire offre donc des repères pour récupérer l’odorat. Cette stimulation de la mémoire se fait par l’utilisation d’odeurs du quotidien.

Une opération pour récupérer l'odorat est-elle possible ?

Il n’existe aucune opération possible. Lors de la phase aiguë, on peut prescrire de l’irrigation nasale pour diminuer la quantité de virus dans le nez. S’il y a une inflammation locale avec un œdème, on prescrit généralement des corticoïdes locaux. Grâce aux imageries, on est désormais capable de voir si un œdème persiste au niveau des bulbes olfactifs. Ensuite, le seul traitement, c’est la rééducation olfactive qui se fonde sur la plasticité des neurones dont il faut stimuler la repousse. Il a été prouvé dans des études qu’elle permettrait d’améliorer significativement les capacités olfactives dans le cadre des anosmies post-virales.

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