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Quand la réalité s'adapte à notre mémoire

Cerveau : exagérer les différences entre deux souvenirs similaires, pour mieux s'en rappeler

Par Chloé Savellon

Notre cerveau nous conduirait à amplifier les différences entre deux souvenirs, lorsque ceux-ci correspondent à des événements similaires, dans le but de mieux les mémoriser. 

Silvia Bulat
Pour éviter la saturation, les neurones font régulièrement le tri dans nos souvenirs et les détails de la plupart d'entre eux s'estompent à mesure que le temps passe.
La déformation de souvenirs est un comportement adaptatif pour résoudre les interférences entre souvenirs.

On a toutes et tous fait ce type d'expérience : on raconte une histoire qu'on a vécue il y a plusieurs années auparavant, en étant certain de se souvenir parfaitement du moindre détail. Mais une autre personne présente ce jour-là vous interrompt pour vous faire remarquer que non, les choses ne se sont pas passées exactement de la manière dont vous le racontez.

Qui croire dans ces cas-là ? Probablement personne, ou alors les deux. Car c'est un processus naturel de notre cerveau : pour éviter la saturation, les neurones font régulièrement le tri dans nos souvenirs et les détails de la plupart d'entre eux s'estompent à mesure que le temps passe. 

Si vous fêtez par exemple votre anniversaire deux ans de suite chez vous avec plus ou moins les mêmes invités, vous aurez par exemple plus facilement tendance à confondre ces deux événements. Alors, pour vous aider à vous rappeler si vous fêtiez vos 28 ou vos 29 ans, vous allez vous concentrer sur des détails vous permettant de distinguer les deux événements, par exemple en vous disant que le gâteau était meilleur ou qu'untel n'est pas venu cette année-là.

Ce processus cérébral a été étudié par des chercheurs américains de l'université d'Oregon. Parus dans JNeurosci, leurs travaux ont été réalisés auprès de 29 volontaires. Ces derniers ont été invités à participer à une expérience consistant à se souvenir d'images d'objets associées à des visages. Une fois les cartes mémorisées, les participants ont dû tenter de retrouver l'objet affilié à un visage qu'on leur montrait.

Une réaction adaptative du cerveau 

Présenté ainsi, l'exercice peut sembler facile. Mais les chercheurs ont veillé à introduire des objets extrêmement similaires, avec des variations subtiles dans les couleurs, ce qui a grandement corsé la tâche. Le lendemain, les volontaires ont de nouveau étaient défiés à retrouver l'objet, mais cette fois à partir d'une roue de couleur.  

Les chercheurs ont constaté que pour mieux parvenir à distinguer les objets entre eux, les participants ont exagéré les différences nettes de couleurs, faisant fi des nuances subtiles de teintes (transformant par exemple deux sortes de brun en rouge).  

Tout au long de l'expérience, l'activité cérébrale des participants a été examinée à partir d'une machine d’imagerie par résonance magnétique (IRM), en se concentrant plus particulièrement sur le cortex pariétal, zone du cerveau responsable de notre perception du temps

Les similarités entre les souvenirs est une cause primaire d’interférence et d’oubli. Nous pensons que la déformation de souvenirs est un comportement adaptatif pour résoudre les interférences entre souvenirs”, analyse Yufei Zhaon, chercheuse principale de l'étude. 

En d'autres termes, plus les souvenirs se ressemblent, plus le cerveau aura tendance à amplifier les différences pour les distinguer et mieux les mémoriser. Et d'après les conclusions de cette recherche, cela fonctionne !