Avec près de 80 000 nouveaux cas chaque année en France, les cancers de la peau sont les cancers les plus fréquents. Parmi eux, 15 400 mélanomes sont identifiés tous les ans. Lorsqu’elle est détectée rapidement, cette forme de cancer grave peut être traitée efficacement par de la chirurgie et, depuis quelques années, grâce à l’immunothérapie.
Proposée en complément de la chirurgie, l’immunothérapie n’est cependant pas un traitement miracle, puisque qu’elle échoue ou cesse de fonctionner chez deux tiers des patients atteints de mélanomes.
Identifier les mécanismes de résistance à l’immunothérapie
Dans une nouvelle étude publiée dans Nature Genetics, des chercheurs de Columbia et du MIT expliquent avoir mis au point une nouvelle technique permettant de découvrir les "astuces" utilisées par les cellules cancéreuses pour échapper aux immunothérapies. Ils ont notamment découvert dans le cas du mélanome des mécanismes de résistance jusqu'alors inconnus aux inhibiteurs du point de contrôle immunitaire, une classe de médicaments d'immunothérapie puissants et largement utilisés.
Qu’est-ce que les inhibiteurs du point de contrôle immunitaire ? Il s’agit de médicaments qui agissent en bloquant les protéines spécifiques des points de contrôle pour que les cellules du système immunitaire (lymphocytes-T) attaquent et détruisent les cellules cancéreuses. Chez un tiers des patients, cette classe de médicaments permet de guérir le mélanome métastatique, "même à un stade où la maladie s'est répandue dans tout l'organisme, explique le Pr Benjamin Izar, auteur principal de l’étude. La question est donc de savoir ce qui se passe chez les deux autres tiers des patients. Quels sont les mécanismes de la résistance intrinsèque ou adaptative aux médicaments ?"
250 gènes impliqués dans la résistance à l'immunothérapie
Pour le savoir, les chercheurs ont mis au point un outil combinant deux technologies : l’édition de gènes CRISPR et le séquençage d'ARN et de protéines dans une seule cellule.
Grâce à CRISPR, les chercheurs ont d’abord inactivé les 250 gènes de cellules de mélanome métastatique précédemment identifiés comme leur permettant d’échapper à l’immunothérapie. Ils les ont inactivés un par un mais de manière groupée, pour créer un mélange de 250 lots de cellules de mélanome, chacune avec une mutation différente. Ces cellules cancéreuses "modifiées" ont ensuite été exposées à des lymphocytes-T, qui sont déclenchées par les inhibiteurs de contrôle chez les patients.
Les cellules cancéreuses ayant résisté à l’attaque des lymphocytes-T ont été isolées et un profilage des protéines a été réalisé grâce au séquençage ARN afin de fournir une "carte moléculaire" à haute résolution de plusieurs perturbations géniques entraînant une fuite immunitaire.
Le rôle-clé du gène CD58
Au total, près de 250 000 cellules ont été analysées. L'analyse a permis d’identifier de nouveaux mécanismes de résistance à l'immunothérapie, notamment un impliquant le gène CD58. "Nos données suggèrent que la perte de CD58 dans les cellules de mélanome confère une échappatoire immunitaire par trois mécanismes potentiels : l'altération de l'activation des cellules T, la réduction de la capacité des cellules-T à pénétrer dans la tumeur et l'augmentation de la production de PD-L1, détaille le Pr Johannes C. Melms. Comme le gène CD58 n'est pas muté en soi, mais qu'il est simplement désactivé, cela soulève la possibilité que les thérapies qui l'activent puissent surmonter la résistance aux médicaments chez certains patients."
Désormais, les chercheurs prévoient de développer des thérapies pour améliorer la réponse aux immunothérapies sur la base de cette découverte. "Le CD58 n'est qu'un des nombreux gènes qui méritent un examen plus approfondi", conclut le Pr Izar.