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Rapport de l'OMS sur la Surdité

" Dire que la moitié de la population mondiale aura un problème auditif dans 30 ans est peut-être un peu excessif "

Par Jean-Guillaume Bayard

L’Organisation mondiale de la santé prévoit qu’un quart de la population mondiale souffrira de troubles de l’audition d’ici 30 ans. Une estimation un peu exagérée pour Sébastien Schmerber, responsable du service ORL au CHU Grenoble Alpes et président de l’Association française d’otologie et neuro-otologie (AFON), qui estime que la tendance est quand même bien à l'augmentation des problèmes auditifs.

thodonal/iStock
Les raisons mises en avant par l'OMS : un manque d’accès aux soins, un manque de personnel médical qualifié, une trop faible prise en charge des enfants, une absence de dépistage et une trop faible vaccination des enfants.
Pour Sébastien Schmerber, la génération des millénials aura plus de troubles auditifs à cause de l'allongement de la durée de vie et l'utilisation importante des téléphones, écouteurs et casques audio.
Pour l’OMS, il est indispensable de mettre l’accent sur le dépistage précoce des troubles auditifs pour une prise en charge efficace.

Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), en 2050, près de 2,5 milliards de personnes souffriront de troubles de l’audition. Dans un rapport présenté mardi 2 février, elle décrit les raisons de cette estimation. En cause : un manque d’accès aux soins, un manque de personnel médical qualifié, une trop faible prise en charge des enfants et une absence de dépistage. L’Organisation ajoute qu’un manque d’accès aux vaccins est également un facteur. “Chez l’enfant, près de 60 % des déficiences auditives peuvent être évitées par des mesures telles que la vaccination pour prévenir la rubéole et la méningite, une amélioration des soins maternels et néonatals ainsi que le dépistage et la prise en charge précoce de l’otite moyenne (les maladies inflammatoires de l’oreille moyenne)”, prévient l’OMS.

En France, 6 millions de personnes souffrent de troubles auditifs

Cette annonce, quelque peu alarmiste, est nuancée par le responsable du service ORL au CHU Grenoble Alpes, et président de l’Association française d’otologie et neuro-otologie (AFON), Sébastien Schmerber. “Estimer que la moitié de la population mondiale aura un problème auditif dans 30 ans est peut-être un peu excessif, avance-t-il à Pourquoi Docteur. En France, par exemple, nous comptons environ 6 millions de cas. Cela dit, la tendance est bien à la dégradation de l’audition.” Selon lui, deux facteurs vont contribuer à l’augmentation de l’incidence : l’allongement de la durée de vie dans la plupart des pays, “et l’on sait que la surdité est liée à l’âge”, et les habitudes de vie des plus jeunes où téléphones, écouteurs et casques audio sont omniprésents.

À l’hôpital, Sébastien Schmerber n’a pas constaté d’augmentation du nombre de cas ces dernières années. “C’est trop tôt, estime-t-il. Je pense que dans dix, avec les milléniums, ce sera plus important.” Cette génération, “née avec un smartphone dans les mains”, met ses oreilles à rude épreuve. “Il n’y a qu’à regarder dans la rue, tous les jeunes portent un casque ou ont des écouteurs dans les oreilles, déplore-t-il. L’âge d’entrée dans la surdité devrait démarrer 5 ou 10 ans plus tôt et commencer vers 50 ans au lieu de 60 ans.” La mauvaise qualité de ces appareils est notamment en cause. “La bande passante d’un téléphone est entre 300 et 3 000 hertz alors que notre spectre auditif est entre 125 et 8 000 hertz, décrit-t-il. On a l’impression que l’on entend les voix normales au téléphone mais pas du tout, elles sont comprimées.” Résultat : les graves et les aiguës sont étouffées et l'appareil auditif se fatigue plus vite. 

Améliorer le dépistage

Cette nouvelle technologie, couplée aux problèmes d’accès aux soins et aux personnels de santé comme pointés par l’OMS, a un impact sur la santé auditive à long terme. “Dans chaque cochlée de l’oreille, il n’y a pas beaucoup de neurones et l’on ne sait pas si elles se régénèrent, explique-t-il. Cela signifie que, dès la naissance, on a tous les jours des cellules auditives qui meurent et qui ne seront pas remplacées, ce qui explique pourquoi on perd en audition avec l’âge. Aujourd’hui, on est mal armé pour s’adapter au monde sonore actuel.” Dans les années 1980, ajoute-t-il, une étude a montré que des populations kényanes âgées vivant en autarcie, en marge de la société industrialisée et sans pollution sonore avaient une audition bien meilleure par rapport à une personne âgée qui vit dans une grande ville. 

Pour l’OMS, il est indispensable de mettre l’accent sur le dépistage précoce des troubles auditifs pour une prise en charge efficace. “La détection est la première étape pour combattre la déficience auditive et les maladies de l’oreille qui lui sont associées, écrit-elle. L’évaluation clinique à des moments stratégiques de l’existence permet de dépister le plus tôt possible toute perte d’audition ou maladie de l’oreille. Les technologies récentes, parmi lesquelles des dispositifs précis et faciles à utiliser, permettent de dépister les maladies de l’oreille et les déficiences auditives à tout âge, en milieu clinique ou dans la communauté, avec des moyens et un niveau de formation limités.” Une fois le diagnostic posé, il est crucial d’intervenir rapidement. “Des traitements médicaux et chirurgicaux peuvent guérir la plupart des maladies de l’oreille et éventuellement corriger la déficience auditive connexe. Toutefois, lorsque la perte d’audition est irréversible, la réadaptation peut éviter les conséquences négatives de la perte auditive. Il existe une gamme de solutions efficaces”, conclut-elle.