Le cas de cette patiente de 50 ans n’est pas commun. Depuis l’enfance, elle était atteinte d’une lésions à l’oreille, qui s’est empirée avec le temps. Récemment, elle s’est rendue au Beilinson Medical Center, à Petah Tikva, en Israël, car son oreille était très gonflée, de couleur brun-jaunâtre et, surtout, un liquide à l’odeur nauséabonde s’en dégageait. Ces symptômes ont été rapportés par des médecins dans la revue JAMA Dermatology. Ils ajoutent que son oreille était atteinte d'œdème et avec une consistance semblable à celle d'une « gelée de pommes cuites ».
L’affection cutanée ne représente de 0,14% à 5% des cas
Au Beilinson Medical Center, les médecins lui ont prescrit plusieurs examens, dont un de sang et un bilan hépatique. Les résultats sont quasiment tous bons… Sauf la biopsie. Grâce à cet examen, ils découvrent que la patiente est porteuse du bacille Mycobacterium tuberculosis, ce qui signifie qu’elle est atteinte d’une forme rare de lupus tuberculeux, aussi appelé tuberculose cutanée ou surnommé « oreille de dinde ». Cette pathologie se caractérise par une localisation sous la peau de la tuberculose. Cette lésion de la peau se manifeste sous forme de petites masses solides arrondies, jaunes et translucides dans le derme, qui évoluent lentement et inexorablement, formant ce que l’on nomme des placards lupiques. Ceux-ci sont souvent localisés au niveau du cou ou autour du nez. Mais cette patiente n’a pas eu de chance, car il est très rare que l’infection tuberculeuse se traduise pas une affection cutanée. D’après une étude de 2016 parue dans les Annales de Dermatologie et de Vénéréologie, cela ne concerne que 0,14% à 5% des cas.
Une progression lente mais inexorable
Chez cette patiente, le lupus tuberculeux a mis près de 50 ans à s’étendre, preuve que la maladie met des années à se développer. Mais pourquoi les médecins ne la détectent pas avant ? La raison est simple : les patients n’ont aucun symptômes. En effet, cette pathologie a la particularité de se répandre de façon silencieuse jusqu’à une grosse manifestation comme a eu cette patiente israélienne. Pour la diagnostiquer en amont, il faudrait réaliser des examens spécifiques que les médecins n’ont aucune raison de prescrire puisque les patients n’ont pas de manifestations de la maladie.
Les médecins ont donc encore du mal à prévenir son apparition. En revanche, ils la soignent de mieux en mieux. Pendant deux mois, cette patiente a pris quatre traitements antibiotiques, puis deux médicaments seulement pendant les sept mois suivants. Au final, hormis une petite cicatrice sur le lobe, son oreille est redevenue totalement normale. Aujourd’hui, comme elle, la grande majorité des malades sont très bien guéris avec un traitement antibiotique. Mais les médecins israéliens incitent quand même leurs pairs à rester prudents : «Bien que la tuberculose soit devenue relativement rare dans les dernières décennies, l'immigration depuis des pays où la maladie est endémique pourrait aboutir à une résurgence dans d'autres régions du monde.» Selon Santé Publique France, depuis plus de dix ans, l’incidence de la tuberculose serait inférieure à 10 cas pour 100 000 habitants par an. Mais, même avec ces chiffres très bas, les dermatologues peuvent envisager la tuberculose comme hypothèse en cas d’oreille de dinde chez un patient.