- Après un an, l'octocrylène, un filtre qui protège du soleil et qui est très souvent utilisé dans ces produits cosmétiques, s'est transformé en benzophénone, un perturbateur endocrinien qui peut passer à travers la peau.
- Pour certaines crèmes, après un an, la concentration en benzophénone a dépassé les 10 mg/kilo.
- Des chercheurs ont mis en avant les 8 voies biologiques spécifiques par lesquelles la pollution atmosphérique menace notre santé.
Quand on achète une crème, mieux vaut ne pas attendre trop longtemps avant de l’utiliser. Des chercheurs français du CNRS et de l’université de la Sorbonne révèlent que des composés présents dans des crèmes solaires et de jour se transforment en benzophénone, un perturbateur endocrinien qui peut traverser la peau et peut être cancérigène. Ils ont présenté les résultats de leurs travaux ce dimanche 7 mars dans la revue Chemical Research in Toxicology.
Après un an, l'octocrylène se transforme en benzophénone
Les chercheurs ont testé une dizaine de crèmes, solaires et de jour, qui sont régulièrement utilisées par les Français. Ils les ont fait vieillir prématurément, de sorte à étudier leur composition après un an d’utilisation. Résultat : l'octocrylène, un filtre qui protège du soleil et qui est très souvent utilisé dans ces produits cosmétiques, s'est transformé en benzophénone, un perturbateur endocrinien qui peut passer à travers la peau. “Lorsqu'elle est sur la peau, la benzophénone peut induire des dermatites, ajoute Didier Stien, auteur de l’étude, à Franceinfo. Cela peut provoquer des cancers, notamment des cancers du foie. C'est une molécule qui affecte les fonctions thyroïdiennes et qui perturbent le développement des organes reproducteurs.”
“Il faudrait interdire les produits qui contiennent du benzophénone et de l'octocrylène”, a conclu Philippe Lebaron, professeur en microbiologie et enseignant à la Sorbonne. Ils ont examiné des crèmes de marques connues telles que Garnier, Uriage, Bioderma, la Roche Posay, Cosmi ou encore L'Oréal. Pour certaines crèmes, après un an, la concentration en benzophénone a dépassé les 10 mg/kilo. “À notre connaissance dans la littérature scientifique et de manière générale, personne n’avait démontré que l'octocrylène se dégradait en benzophénone, a estimé Philippe Lebaron. Et je pense que c’est important d'alerter à la fois les fabricants de ces molécules et en même temps d'alerter les consommateurs sur le fait que les produits qui contiennent de que l'octocrylène sont potentiellement dangereux.”
Huit voies biologiques en cause
Dans une autre étude, parue elle le 2 mars dans la revue Cell, des chercheurs américains et allemands ont présenté les voies biologiques par lesquelles les polluants atmosphériques contribuent à des maladies, et notamment le cancer. “Chaque jour, nous en apprenons davantage sur la façon dont l'exposition aux polluants dans l'air, l'eau, le sol et les aliments est nocive pour la santé humaine, poursuit Andrea Baccarelli, auteur principal de l’étude. Moins compris, cependant, sont les voies biologiques spécifiques par lesquelles ces produits chimiques infligent des dommages à notre corps. Dans cet article, nous fournissons un cadre pour comprendre pourquoi des mélanges complexes d'expositions environnementales provoquent des maladies graves, même à des concentrations relativement modestes.”
Nous sommes continuellement exposés à un mélange de polluants, avancent les chercheurs, qui entraînent des changements dans notre organisme dans de multiples domaines. Ils régissent l'expression des gènes, entraînent et façonnent notre système immunitaire, déclenchent des réponses physiologiques et déterminent le bien-être et la maladie. Ils pointent huit manières dont ces polluants attaquent notre organisme :
- Stress oxydatif et inflammation : lorsque les défenses antioxydantes sont épuisées, une inflammation, une mort cellulaire et des dommages aux organes se produisent.
- Altérations et mutations génomiques : une accumulation d'erreurs d'ADN peut déclencher le cancer et d'autres maladies chroniques.
- Altérations épigénétiques : Les modifications épigénétiques altèrent la synthèse des protéines responsables du développement de l'enfance et du fonctionnement régulier du corps.
- Dysfonctionnement mitochondrial : une panne de la centrale électrique cellulaire peut interférer avec le développement humain et contribuer à des maladies chroniques.
- Perturbation endocrinienne : les produits chimiques présents dans notre environnement, nos aliments et nos produits de consommation perturbent la régulation des hormones et contribuent à l’apparition de maladies.
- Communication intercellulaire altérée : les récepteurs de signalisation et les autres moyens par lesquels les cellules communiquent entre elles, y compris la neurotransmission, sont affectés.
- Communautés microbiologiques modifiées : un déséquilibre dans la population de bactéries et d'autres micro-organismes dans notre corps peut nous rendre vulnérables aux allergies et aux infections.
- Fonction du système nerveux altérée : les particules microscopiques présentes dans la pollution atmosphérique atteignent le cerveau par le nerf olfactif et peuvent interférer avec la cognition.
“Ces huit caractéristiques ne sont en aucun cas exhaustives et ne reflètent pas toute la complexité des propriétés chimiques et physiques des expositions environnementales, y compris les mélanges d'expositions à court et à long terme, ont conclu les chercheurs. Des recherches supplémentaires sont nécessaires pour comprendre les mécanismes complexes par lesquels les expositions affectent la biologie humaine et comment les processus modifiés interagissent et contribuent à la maladie ou confèrent des avantages pour la santé, tout au long de la vie.”