- Menée sur 147 participants, l'étude montre que face aux stimulis extérieurs, les réponses cognitives chez les personnes seules ne sont pas les mêmes que chez les autres paricipants.
- Les enregistrements cérébraux par EEG montrent aussi que des zones spécifiques du cerveau, comme la jonction temporo-pariétale (TPJ) s'active différemment chez les individus les plus solitaires et les plus sages.
- Cette découverte pourra, à terme, aboutir à de nouveaux traitements pour atténuer les effets sur la santé de la solitude.
Apathie, fatigue chronique, sautes d’humeur, état dépressif, perte ou augmentation de l’appétit, troubles du sommeil, manque de concentration et de motivation, sentiment de tristesse… Depuis le premier confinement en mars dernier, et la multiplication depuis des restrictions liées aux sorties et aux interactions sociales, la crise sanitaire a mis en lumière les conséquences sur la santé mentale et physique de l’isolement. De nombreuses études ont montré que la solitude était aussi associée à une mortalité accrue.
Selon une nouvelle étude publiée par la revue Cerebral Cortex, une émotion pourrait cependant aider à lutter contre les effets nocifs de la solitude sur la santé : la sagesse. Réalisés par des chercheurs de la faculté de médecine de l'université de Californie à San Diego, ces travaux montrent qu’il existe une relation inverse entre la solitude et la sagesse, et que celle-ci est basée sur des processus cérébraux inversés.
Des réactions différentes aux émotions
"Nous nous sommes intéressés à la façon dont la solitude et la sagesse sont liées aux biais émotionnels, c'est-à-dire à la façon dont nous réagissons à différentes émotions positives et négatives", détaille Jyoti Mishra, auteur principal de l'étude et professeur adjoint au département de psychiatrie de l'école de médecine de l'université de San Diego.
Pour étudier le lien entre sagesse et solitude, les chercheurs ont suivi 147 participants, âgés de 18 à 85 ans, à qui ils ont demandé d’effectuer une tâche cognitive simple consistant à déterminer dans quelle direction une flèche était pointée alors que des visages aux émotions différentes étaient présentés en arrière-plan.
Les chercheurs ont alors découvert que lorsque des visages émettant de la colère étaient présentés comme des distracteurs, ils ralentissaient considérablement les réponses cognitives simples chez les personnes seules. "Cela signifie que les individus plus solitaires accordent plus d'attention aux stimuli menaçants, comme les visages en colère", explique le chercheur.
L’inverse s’est produit chez les participants les plus sages et heureux. "Nous avons trouvé une relation positive significative pour les vitesses de réponse lorsque des visages aux émotions heureuses étaient présentés, en particulier les individus qui affichaient des traits plus sages, tels que l'empathie, avaient des réponses plus rapides en présence de stimuli heureux."
Différentes zones cérébrales impliquées
Les chercheurs ont aussi fait passer des électroencéphalogrammes (EEG) aux participants. Les enregistrements cérébraux ont montré que la partie du cerveau appelée jonction temporo-pariétale (TPJ) s'activait différemment chez les individus les plus solitaires et les plus sages. Sollicitée pour le traitement de la théorie de l'esprit, ou le degré de capacité d'empathie et de compréhension des autres, la TPJ a réagi différemment selon les individus : elle était plus active en présence d'émotions de colère pour les personnes seules et plus active en présence d'émotions heureuses pour les personnes plus sages.
Chez les personnes solitaires, les chercheurs ont également noté une plus grande activité en présence de stimuli menaçants dans le cortex pariétal supérieur gauche, la région du cerveau importante pour l'attribution de l'attention. La sagesse, elle, était davantage liée à activité accrue en présence d'émotions heureuses dans l'insula gauche du cerveau, responsable de caractéristiques sociales comme l'empathie.
"Ces résultats sont pertinents pour la santé mentale et physique des individus car ils nous donnent un aperçu neurobiologique objectif sur la façon dont les personnes plus solitaires ou plus sages traitent l'information", explique le Pr Mishra. Selon lui, "le fait de disposer de marqueurs biologiques que nous pouvons mesurer dans le cerveau" pourra aider à élaborer de nouveaux, plus efficaces, pour atténuer les effets sur la santé de la solitude, notamment la dépression. "En fin de compte, nous pensons que ces marqueurs cérébraux cognitifs basés sur des preuves sont la clé pour développer de meilleurs soins de santé pour l'avenir qui pourraient s'attaquer à l'épidémie de solitude", conclut-il.