Dans l’ombre des vaccins, les traitements contre la Covid-19 constituent l’autre clé pour affronter la pandémie. Olivier Véran a récemment, et pour la première fois, présenté deux "traitements qui donnent l’espoir de pouvoir traiter la maladie" : les interférons et les anticorps monoclonaux. La recherche française avance sur plusieurs traitements potentiels qui pourraient bientôt être commercialisés. Bernard Vanhove, directeur scientifique de la société nantaise Xenothera, présente les anticorps polyclonaux qui visent à réduire brutalement la charge virale et empêcher les formes graves chez les patients symptomatiques.
- Comment ça marche ?
“Les anticorps polyclonaux permettent de réduire brutalement la charge virale. Les anticorps viennent se fixer directement sur les virus qui vont être détruits. L’objectif est d’empêcher le virus de s'attacher aux cellules saines pour les infecter. Les anticorps sont de l’immunothérapie passive et aboutissent au même résultat que le vaccin quelque part parce que le vaccin génère lui aussi des anticorps. Avec la vaccination, une ou deux injections sont nécessaires et il faut ensuite attendre pour avoir une efficacité. Avec les anticorps polyclonaux, dès la perfusion, la protection est totale parce que les anticorps sont transférés directement dans l’organisme du patient. C’est une manière de faire ancienne parce qu’en immunologie, on utilise cette technique pour se protéger du tétanos, de la varicelle, la rage, la grippe…
La différence avec les anticorps monoclonaux est que ces derniers visent un antigène unique sur les cellules ou les virus cibles, par exemple CD20 sur les lymphocytes B en cancérologie, alors que la protection par les anticorps polyclonaux est plus globale et s’adresse à une multiplicité d’antigènes sur les cellules ou les virus cibles. Depuis 20-30 ans, les traitements par anticorps monoclonaux sont très développés et ont montré une grande efficacité, notamment en cancérologie. Pour les infections, c’est moins le cas. Dans le cadre de la Covid, la différence peut notamment se trouver dans la réaction face aux variants. Les premiers résultats des essais cliniques sur les anticorps monoclonaux montrent qu’ils ne protègent pas contre tous les variants, notamment le sud-africain. Il y a des stratégies mixtes d’anticorps monoclonaux mais cela se termine avec des médicaments qui coûtent très chers. Avec les anticorps polyclonaux, la couverture est plus grande, bien que l’on ne soit pas à l’abri de futurs variants qui pourraient échapper à son action.”
- Pour qui ?
“Pour que les anticorps soient le plus efficace, il faut intervenir au moment où le patient a une charge virale. On lutte contre le virus pas contre les conséquences du virus. Avec la Covid, l’infection virale cause une inflammation dans les cas sévères. Les patients qui sont en réanimation peuvent à ce stade ne plus avoir de virus, ils l’ont éliminé mais ils l’ont fait trop tardivement et il a eu le temps d’endommager les cellules qui continuent d’être endommagées alors que le virus a disparu.
Pour être pleinement efficaces, les anticorps doivent être pris le plus tôt possible après l’apparition des symptômes. On estime qu’il faut prendre ce traitement au maximum dans les 10 jours après l’apparition des symptômes, mais le plus tôt le mieux. Le plus intéressant est de le prendre la première semaine parce que les patients ont encore une charge virale importante mais ils n’ont pas développé d’inflammations pulmonaires et peuvent donc bénéficier d’une réduction massive et immédiate de la charge virale.”
- Où en est l’étude ?
“Depuis 2016, la société a un projet coronavirus, commencé à la suite des épidémies de MERS et de SRAS. Quand la pandémie est arrivée, nous étions déjà engagés sur le sujet. L’un des avantages des anticorps polyclonaux est qu’ils nécessitent un temps de développement beaucoup plus court que les monoclonaux. Dès les mois d’avril 2020, nous avons débuté nos travaux et trois mois plus tard nous avons commencé à proposer aux autorités de santé une demande d’autorisation d’essais cliniques, en partenariat avec le CHU de Nantes. Les essais cliniques ont démarré fin août. Il y a eu un peu de lenteur lors de la deuxième partie de l’année à cause de l’approche sécuritaire. En janvier, nous avons débuté une nouvelle phase des essais qui va inclure 400 patients. Celle-ci est en cours et va nous permettre de déterminer l’efficacité du traitement. Ça avance assez bien. Les premiers résultats obtenus avec des anticorps sont très positifs et indiquent que la situation s’améliore dans 50 à 75% des cas. On espère que les résultats sur une plus grande cohorte vont rester dans cette fourchette-là. Nous les attendons pour le début du mois de mai.
Nous avons également une étude de phase 3, Euroxav, qui vient de démarrer et qui va durer 5 semaines à travers 5 pays européens et inclure 700 patients. Les résultats sont espérés pour cet été. Le traitement aura donc été testé, au total, sur plus de 1 000 patients.”
- Pour quand ?
“Dès la réception des résultats, s’ils sont positifs, nous allons faire une demande d'utilisation temporaire. On pourrait alors dès juin mettre notre traitement à disposition des hôpitaux français. On vise la production d’environ 30 000 doses en 2021 qui peuvent monter à des centaines de milliers les années suivantes, à adapter en fonction de la dynamique de l’épidémie.
Ce traitement permettra de renforcer notre lutte contre le virus aux côtés des vaccins. Le vaccin n’est pas une arme à 100%, à moins d’éradiquer la maladie de la planète ce qui ne sera a priori pas le cas, le virus va rester. Il y aura toujours une population qui ne sera pas vaccinée, plus vaccinée ou qui ne répondra plus au vaccin.”