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Neurologie

Aphantasie : les patients insensibles aux histoires d’horreur

Par Jean-Guillaume Bayard

L’aphantasie est un syndrome neurologique qui touche environ 2% à 5% de la population et qui entraîne une incapacité à se représenter une image qui n’est pas directement devant soi.

naumoid/iStock
L'imagerie mentale joue un rôle clé dans la liaison des pensées et des émotions.
L'imagerie est un amplificateur de pensée émotionnelle.

Le soir, dans le noir, avec une lampe pointée sur le menton, de nombreuses personnes s’amusent à effrayer leurs proches avec des histoires qui font froid dans le dos. Certains, pourtant, ne sont pas réceptifs à ces comtes d’horreur. C’est peut-être qu’elles sont atteintes d’aphantasie. Ce syndrome neurologique touche environ 2% à 5% de la population et renvoie à l’incapacité à se représenter une image qui n’est pas directement devant soi.

L’imagerie mentale lie pensées et émotions

Dans une nouvelle étude parue le 10 mars dans la revue scientifique Proceedings of the Royal Society B : Biological Sciences, des chercheurs australiens ont testé la réaction de volontaires atteints d’aphantasie à la lecture de scénarios angoissants, comme être poursuivi par un requin, tomber d'une falaise ou être dans un avion sur le point de s'écraser. Les chercheurs ont pu mesurer physiquement la réaction de peur de chaque participant en surveillant l'évolution de leur niveau de transpiration. Ce type de test est couramment utilisé dans la recherche en psychologie pour mesurer l'expression physique des émotions du corps, précisent les chercheurs de l’université de Nouvelle-Galles du Sud (UNSW) qui ont mené l'étude.

Les résultats ont montré que les histoires effrayantes perdent leur facteur de peur lorsque les lecteurs sont incapables d’imaginer visuellement la scène. Cela suggère que les images peuvent avoir un lien plus étroit avec les émotions que les scientifiques ne le pensaient auparavant, rapportent les auteurs de l’étude. “Nous avons trouvé les preuves les plus solides à ce jour que l'imagerie mentale joue un rôle clé dans la liaison des pensées et des émotions, a avancé le professeur Joel Pearson, auteur principal de l’article scientifique. Dans toutes nos recherches à ce jour, c'est de loin la plus grande différence que nous ayons trouvée entre les personnes atteintes d'aphantasie et le reste de la population.”

Face à des images, des réactions cutanées similaires

Pour tester le rôle de l'imagerie visuelle dans la peur, les chercheurs ont guidé 46 participants dans une pièce sombre avant de fixer plusieurs électrodes à leur peau, connue pour être un bon conducteur d'électricité lorsqu'une personne ressent des émotions fortes comme la peur. Parmi eux, 22 volontaires étaient aphantasiques et 24 ne l’étaient pas. Les scientifiques ont ensuite quitté la pièce, éteint la lumière et laissé les participants seuls alors que des histoires, racontées sous forme textuelle, sont apparues sur l'écran devant eux. Celles-ci sont montées crescendo en intensité, le suspens se construisant lentement. “Les niveaux de conductivité cutanée ont rapidement commencé à augmenter pour les personnes capables de visualiser les histoires, ont observé les chercheurs. Plus les histoires continuaient, plus leur peau réagissait.” Pour les personnes atteintes d’aphantasie, “les niveaux de conductivité cutanée sont restés assez plats”, poursuivent-ils.

Pour vérifier les différences de seuils de peur entre les participants, l’expérience a été répétée avec des images à la place des textes. Le résultat a été sans équivoque : les images ont provoqué les mêmes réactions dans les deux groupes. “Ces deux séries de résultats suggèrent que l'aphantasie n'est pas liée à une émotion réduite en général, mais est spécifique aux participants qui lisent des histoires effrayantes, analyse le professeur Pearson. La réaction de peur émotionnelle était présente lorsque les participants ont réellement vu la scène se dérouler devant eux. Les résultats suggèrent que l'imagerie est un amplificateur de pensée émotionnelle. Nous pouvons penser à toutes sortes de choses, mais sans imagerie, les pensées ne connaîtront pas ce ‘boom’ émotionnel.”