"Tenir un journal quotidien pendant une période d’environ deux semaines est une façon concrète de repérer quelles habitudes de vie et quelles situations influencent les acouphènes favorablement ou négativement. Pendant cette période, il faut noter chaque jour de l’information sur ses acouphènes, par exemple à quel point on les a remarqués, quelle a été leur intensité maximale, dans quelle situation ils deviennent plus ou moins intenses, à quel point ils influencent son humeur, son sommeil et ses pensées.
Grâce à ces notes écrites, on peut plus facilement déceler des modèles entre certaines situations et les fluctuations dans l’intensité de l’acouphène. Par exemple, on peut remarquer que lors d’un événement social bruyant, l’acouphène a augmenté en intensité. À l’inverse, on peut remarquer qu’une tâche prenante et plaisante comme cuisiner ou jardiner fait oublier l’acouphène. L’utilisation de ces notes est un puissant levier pour prendre le contrôle et agir sur son propre acouphène. Il est donc possible d’adopter des stratégies fonctionnelles.
Mais attention ! Lorsque l’effort requis pour planifier et mettre des stratégies en oeuvre mène à un stress excessif ou à l’épuisement, cela signifie qu’elles ne sont pas adaptées. Par exemple, refuser systématiquement toutes les invitations sociales et s’isoler au point de restreindre ou d’exclure toutes les possibilités de s’amuser entre amis serait une stratégie mal adaptée. Les occasions de faire augmenter l’acouphène en intensité seraient quasi nulles, mais cela causerait un manque d’habituation à l’acouphène et un isolement de plus en plus grand. De plus, il est improbable que toutes les situations où il y aurait du bruit mènent à une augmentation de l’acouphène. Une stratégie beaucoup mieux adaptée serait d’apporter des bouchons d’oreille pour atténuer le bruit trop fort dans ce type d’événement, et d’évaluer ensuite si cette stratégie a fonctionné. De même, si cuisiner ou jardiner aide à faire oublier la présence de l’acouphène, il est possible de recourir à ces activités pour avoir un répit lorsque l’acouphène est très dérangeant et expérimenter d’autres activités similaires.
Les habitudes de vie englobent les comportements auditifs, le sommeil, le travail, l’alimentation, la consommation de café, d’alcool, de drogues récréatives et de médicaments, l’exercice physique, le stress, les loisirs, les interactions sociales… Si les études scientifiques ont bien documenté les problèmes de sommeil, de stress, d’anxiété et de tabagisme associés aux acouphènes, les études sont plus rares ou moins concluantes en ce qui concerne les effets d’autres habitudes comme l’exercice, la consommation de café, d’alcool, de drogues, de sel, de certains aliments…
Par exemple, il est probable qu’une personne qui boit beaucoup de café quelques heures avant d’aller au lit éprouvera des problèmes de sommeil, ce qui se répercutera sur le degré de fatigue le lendemain et, par conséquent, sur la tolérance à l’acouphène. Une hygiène de vie saine produit un effet global favorable sur la santé et doit être encouragée. Toutefois, en ce qui concerne les effets sur l’acouphène de certaines habitudes de vie comme une consommation modérée de café ou de sel, le meilleur conseil est de les évaluer pour soi-même.
La tenue d’un journal peut aider à repérer les aliments ou les habitudes qui amplifient ou diminuent l’acouphène. Par exemple, si chaque fois que tel aliment est consommé l’acouphène devient intolérable, on peut cesser de le consommer pendant un certain temps et observer l’effet produit sur l’acouphène. On peut ensuite réintroduire l’aliment et observer si l’acouphène redevient intolérable. L’important est de ne procéder qu’à un seul changement à la fois pour être capable d’isoler l’effet de cet élément sur les acouphènes.
Tenir le journal de ses acouphènes
La grande majorité des personnes acouphéniques arrivent à connaître les variations de leur acouphène et à savoir quelles circonstances posent plus ou moins problème. Ce processus s’effectue souvent par essais-erreurs et peut demander beaucoup de temps. Puisqu’il s’agit d’une démarche écrite et systématique, tenir un journal pendant une certaine période peut écourter le processus. L’objectif est de mieux comprendre ses propres situations dérangeantes, qu’elles soient des déclencheurs d’acouphènes, des facteurs aggravants ou des conditions facilitantes.
Il est aussi préférable de tenir le journal pour une durée limitée plutôt que d’en faire un exercice à long terme. À un certain moment, il faut s’en détacher, car le journal requiert de se concentrer intensément et fréquemment sur le problème qu’est l’acouphène. Tenir un journal à long terme pourrait contribuer à perpétuer le problème et à produire l’inverse du but recherché, qui est de ne plus y porter attention.
Pour en savoir plus, lisez : "Acouphènes : les reconnaître et les oublier", de Sylvie Hébert, publiée aux éditions du Rocher.