Pourquoi, lorsqu’ils vieillissent, certains hommes voient leurs cheveux se raréfier, tandis que d’autres conservent leur chevelure ? Alors qu’en France, on estime à 10 millions d’hommes et à 2 millions de femmes souffrant d’alopécie, c’est-à-dire d’une chute partielle ou totale des cheveux et/ou des poils, des chercheurs de l'Université médicale et dentaire de Tokyo (TMDU) et de l'Université de Tokyo apportent une réponse à cette question.
Dans une étude publiée dans la revue Nature Aging, ils expliquent avoir identifié un nouveau mécanisme par lequel les follicules pileux perdent leurs capacités de régénération, et finissent par disparaître.
Un déséquilibre de la division cellulaire des cellules souches du follicule pileux
Les follicules pileux sont des mini-cavités dans lesquelles de nouveaux cheveux poussent constamment. Pour que de nouveaux cheveux puissent y pousser, un bon fonctionnement des cellules souches du follicule pileux (CSFP) est essentielle. Ces CSFP se divisent de manière cyclique de deux façons : des divisions symétriques, qui génèrent deux cellules identiques qui auront le même destin, et des divisions asymétriques, qui génèrent une cellule en voie de différenciation et une cellule souche auto-renouvelable. Cette combinaison garantit la pérennité de la population de cellules souches, mais la manière dont celles-ci contribuent à la perte de fonction des CSFP due au vieillissement n'était pas encore complètement comprise par les scientifiques.
"Pour un bon fonctionnement des tissus, les divisions cellulaires symétriques et asymétriques doivent être en équilibre, explique Emi Nishimura, la chercheuse qui a dirigé les travaux. Lorsque les cellules souches subissent préférentiellement l'une ou l'autre ou, pire encore, s'écartent du processus typique de l'un ou l'autre type de division cellulaire, l'organe en souffre."
Pour comprendre comment la division des cellules souches joue dans la pousse des cheveux au cours du vieillissement, les chercheurs ont menée des expériences sur des souris jeunes et âgées qu’ils ont soumis à deux types de tests différents : le traçage du destin cellulaire et les analyses de l'axe de division cellulaire. Pour le traçage du destin cellulaire, les cellules souches du follicule pileux ont été marquées avec une protéine fluorescente afin de pouvoir les suivre dans le temps, tandis le deuxième teste a consisté à mesurer l'angle de division des CSFP.
Les chercheurs ont alors constaté que chez les jeunes souris, les divisions cellulaires du follicule pileux sont tout autant symétriques qu’asymétriques. Par contre, en vieillissant, la division asymétrique devient majoritaire, ce qui empêche une bonne régénérescence du follicule pileux.
Un épuisement puis une disparition des follicules pileux
Mais pourquoi le mode de division cellulaire change-t-il si radicalement au cours du vieillissement ?
Les chercheurs ont trouvé la réponse : cela est dû aux hémidesmosomes, une classe de protéines qui relient les cellules à la matrice extracellulaire (MEC), les protéines qui entourent les cellules. Lors du processus de vieillissement, les hémidesmosomes sont déstabilisés, ce qui entraîne l’asymétrie aberrante lors de la division des cellules souches du follicule pileux. Cela a pour conséquence de les épuiser, puis de les faire disparaître. Résultat, les cheveux s’amincissent, puis chutent au fil du temps.
"Ce sont des résultats frappants qui montrent comment les follicules pileux perdent leur capacité à régénérer les cheveux au fil du temps, conclut Hiroyuki Matsumura, co-auteur principal des travaux. Nos résultats peuvent contribuer au développement de nouvelles approches pour réguler le vieillissement des organes et les maladies associées au vieillissement."