Les femmes vivant en ville sont-elles moins susceptibles de devenir mères que celles vivant dans les zones rurales ? C’est la thèse que défend une équipe internationale de recherche dans la revue Behavioral Ecology.
Dans une nouvelle étude publiée par Oxford University Press, des chercheurs l'université de l’université de Turku et de l'université d'Helsinki (Finlande) et de l'université d'État de Pennsylvanie (États-Unis) ont étudié un événement de migration interne massive qui s'est produit en Finlande pendant la Seconde Guerre mondiale. Ils en ont conclu qu’un rapport de masculinité biaisé par les femmes, c'est-à-dire le fait d'avoir plus de femmes que d'hommes dans une population, était à l’origine d’une baisse des naissances dans les villes.
Des données collectées après la Seconde Guerre mondiale
Après la Seconde Guerre mondiale, la Finlande a dû céder 10 % de son territoire à l’URSS, ce qui a entrainé la migration de 400 000 citoyens. Le gouvernement finlandais a alors en œuvre une loi de colonisation permettant à chaque villageois évacué de bénéficier en compensation de nouvelles terres à l’ouest du pays.
Pour mieux comprendre ces mouvements de population, les chercheurs ont consulté une base de données sur les évacués, qui ont répondu à des entretiens entre 1968 et 1970. Ils ont donc pu avoir accès à différences informations telles que leur nom, le sexe, leur année de mariage, leur nombre d’enfants, ainsi que les années et les noms de tous les endroits où la personne évacuée a vécu depuis sa naissance jusqu'au moment de l'entrevue.
Au total, les décisions en matière de reproduction et de dispersion de 8 296 femmes âgées de 19 à 42 ans, évacuées de 1945 à 1955, ont été étudiées. Les chercheurs ont mesuré les rapports de masculinité dans les lieux de résidence de ces femmes tout au long de cette période et ont estimé la probabilité pour les femmes de fonder une famille ou de se disperser.
Les femmes urbaines sont 15 % moins susceptibles d’avoir des enfants
Les chercheurs ont alors constaté que la probabilité de se reproduire était fortement influencée par le sex-ratio local, mais que cette relation différait entre les environnements ruraux et urbains. Ainsi, si un sex-ratio défavorable aux hommes diminuait la probabilité pour les femmes de se reproduire pour la première fois dans les environnements urbains, ce n'était pas le cas dans les zones rurales.
À noter toutefois que les femmes ne se sont pas déplacées vers des zones où il y avait plus d'hommes, mais plutôt vers des zones urbaines, où ils étaient moins nombreux. Les chercheurs ont donc conclu que les femmes se sont probablement déplacées vers les zones urbaines pour des raisons de travail et d'éducation, mais qu'elles ont ensuite été confrontées à un marché concurrentiel pour trouver un conjoint et qu'elles étaient donc moins susceptibles d'avoir des enfants que les femmes qui vivaient en dehors des zones urbaines.
Dans l'ensemble, les femmes étaient 15 % moins susceptibles de se reproduire dans les zones urbaines que dans les zones rurales. Dans les villes, chaque pourcentage d'augmentation du nombre d'hommes dans la population augmentait de 2,7 % la probabilité pour les femmes d'avoir un premier enfant, alors que dans les zones rurales, l'augmentation n'était que de 0,4 %.
Selon les auteurs de l’étude, les conclusions tirées de ces données "historiques" sont tout à fait applicables aux environnements urbains actuels. Les femmes sont plus nombreuses que les hommes dans de nombreuses villes des pays en développement et des pays développés, et il se peut qu'elles se trouvent dans la même situation difficile que les Finlandaises il y a plusieurs décennies.