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QUESTION D'ACTU

Journée mondiale du sommeil

Sommeil et objets connectés : «Il faut toujours que les données soient interprétées par un médecin»

Les applications et objets connectés pour surveiller la qualité du sommeil se multiplient. Si certains de ces dispositifs permettent d'aider à résoudre les insomnies ou d'autres troubles, d'autres n'apportent pas une précision suffisante pour orienter vers un diagnostic ou une prise en charge. Le point avec le cardiologue Pierre Escourrou.

Sommeil et objets connectés : \ alejomiranda/iStock




- Pourquoi Docteur : Quels sont les dispositifs ou objects connectés qui peuvent être utilisés pour contrôler ou améliorer le sommeil ?

Pr Pierre Escourrou : Il y en a un grand nombre, jusque-là plutôt orientés vers le "well-being" et qui, pour certains, n'ont pas d'application médicales évidentes. Il y a d'abord les applications sur smartphone pour le suivi du sommeil, les objets portés par le patient, montres ou bagues, et les objets sans contact. Les applications utilisent deux types de signaux, l'actimétrie -phases de sommeil et d'éveil- et les variations de mouvements et de sons, les objets portés enregistrent les mouvements et la fréquence cardiaque et il y a aussi des bandeaux ou des masques sur les yeux qui peuvent recueillir des données encéphalographiques. 

- Qu'est-ce que ces données permettent d'apprendre sur le sommeil ?

Elles apportent des éléments sur les phases de veille et de sommeil et permettent de distinguer les différents stades de sommeil qui apparaissent au cours de la nuit, sommeil léger, sommeil lent profond et sommeil paradoxal. C'est intéressant parce que cela peut permettre de connaître la qualité du sommeil, notamment pour le sommeil lent profond qui est la partie réparatrice du sommeil. 

- Ces données peuvent-elles être interprétées par le patient lui-même ou seulement par un médecin ?

Pour les interpréter, il faut connaître les valeurs normales et la signification des différentes variations. Cela n'a pas d'intérêt pour le patient lui-même parce que cela n'est pas relié à son ressenti. L'élément le plus important, c'est la durée du sommeil réel par rapport au temps passé au lit, ce que l'on appelle l'efficacité du sommeil. C'est un paramètre de base qui est essentiel pour le patient et bien sûr pour le médecin qui le suit.

- Comment les médecins peuvent utiliser ces données ?

Pour le moment, il n'y a pas de validation scientifique suffisante pour utiliser les données sur les stades de sommeil. Mais pour la distinction entre les phases de sommeil et de veille, cela commence à être validé. Malgré tout, si certains dispositifs marchent, il n'y a pas vraiment de validation médicale pour la majorité des systèmes.

- L'enregistrement de données à partir de ces applications ou appareils connectés peut-il remplacer un examen approfondi du sommeil ?

Ce que cela peut remplacer, c'est un examen qui est fait assez fréquemment dans le cadre de l'insomnie et des décalages de phase, l'actimétrie : on enregistre à partir d'un bracelet actimètre pendant deux semaines les périodes d'activité et de non-activité. Avec des rapports d'analyse bien formatés, le médecin peut utiliser ces données pour faire un bilan de l'actimétrie.

- Qu'est-ce que cela apporte pour traiter les problèmes de sommeil ?

L'actimétrie ne permet pas de traiter, elle permet de faire un diagnostic sur le type d'insomnie : quand se produit-elle, à quel moment de la nuit, en début, au milieu ou en fin de nuit. Et cela permet aussi de déterminer les rythmes circadiens du patient, savoir s'il est du matin, du soir, s'il est en décalage, en avance ou en retard de phase, par exemple.

- Cela permet d'orienter le diagnostic d'un trouble du sommeil ?

Oui, et ensuite on doit pouvoir utiliser ces données pour traiter ces anomalies du sommeil. Ces traitements peuvent notamment être faits par des psychothérapeutes qui proposent des thérapies cognitivo-comportementales pour traiter les insomnies les plus fréquentes dites physio-psychologiques.

- Et pour les troubles du sommeil liés à d'autres causes ?

Il commence à y avoir des objets connectés qui sont validés pour détecter l'apnée du sommeil avec une précision qui est proche de ce que l'on obtient avec les appareils dits "médicaux". Avec en plus deux avantages: le premier c'est que c'est enregistré dans des conditions naturelles, sans gène pour le patient, et surtout que c'est enregistré sur plusieurs nuits successives avec des mesures prolongées que l'on ne fait pas pour les diagnostics médicaux qui sont réalisés sur une seule nuit en général pour des raisons de coût. Ces deux avantages devraient conforter dans l'avenir l'utilisation de ces dispositifs.

- Certains médecins soulignent l'anxiété que peut générer cette auto-surveillance du sommeil avec des objets connectés ...

C'est effectivement le cas pour les patients anxieux ou hypocondriaques ! Le fait d'essayer de les amener à un sommeil optimal déterminé par une application, cela peut être anxiogène, donc produire l'effet inverse à celui recherché que l'on appelle l'orthosomnie. Vouloir les orienter vers un sommeil trop parfait est en effet un risque. Mais c'est un risque que l'on retrouve avec tous les dispositifs de well-being qui proposent de devenir des individus supra-normaux !

- Quels types de dispositifs recommanderiez-vous à ceux qui souffrent de troubles du sommeil ?

On sait que pour dépister le syndrome d'apnée du sommeil il y a des appareils qui fonctionnent bien. Pour le suivi des insomniaques, il y a des appareils connectés qui devraient pouvoir, à condition que l'on parvienne à obtenir des rapports d'analyse mis dans un format médical, être utiles aux médecins et permettre de remplacer l'actimétrie.

- Votre conseil sur l'utilisation de ces dispositifs ? 

Il faut toujours que les données soient interprétées avec un médecin pour être sûr qu'il n'y a pas d'erreur dans leur analyse et éviter les problèmes d'orthosomnie dont on a parlé. Tous les appareils n'ont pas la même fiabilité que ce que l'on réalise en laboratoire. Il faut que cette utilisation soit indiquée et critiquée par un médecin.

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