"Les réanimateurs dénoncent des problèmes de sous-effectifs médicaux et paramédicaux depuis plusieurs années, il est temps de sortir de cette vision de court terme". Reçus mardi 16 avril au soir par le Président Emmanuel Macron, les médecins réanimateurs ont dressé un constat alarmant. Un an après le début du premier confinement, et alors que la pandémie contraint plus que jamais notre système de santé, la situation à l’hôpital n’a que peu évolué. Comme au plus fort de la crise en avril 2020, les réanimateurs subissent un afflux de patients qui menace de dépasser les capacités d’accueil. Dans ce contexte, ils entendent alerter quant aux conséquences à long terme de ce déficit de moyens de réanimation sur la prise en charge des patients.
"Toujours les mêmes moyens de court terme"
Au début de la crise sanitaire, confrontés à un afflux massif, inédit et incessant de patients, les médecins réanimateurs, suivis par l’ensemble des professionnels de santé, ont fait preuve d’une réactivité extrêmement forte. Face à l’urgence, ils se sont mis en ordre de marche, contraints à la déprogrammation de l’activité hospitalière hors-Covid, à la réorganisation de la gestion des lits de réanimation et de surveillance continue, ainsi qu’au transfert sanitaire vers des régions moins impactées. Un an après, les réanimateurs déplorent devoir recourir à ces mêmes solutions qu’ils pensaient à l’époque "éphémères".
"Nous attendions un signal politique fort entre la 1ère vague et cette 3ème qui se dessine.
Or, nous sommes amenés à recourir aux mêmes moyens de court terme non satisfaisants. Les déprogrammations comme les évacuations pour absorber les flux de patients Covid-19 sont une souffrance autant pour les professionnels de santé que pour les patients et leurs famille" commente Olfa Hamzaoui, secrétaire du groupe Femmes Médecins en Médecine Intensive et Réanimation – FEMMIR.
La France est sous dotée en lit de réanimation
Avec un peu plus de 5000 lits de réanimation, soit 7 lits pour 100 000 habitants, la France est sous dotée. Cette sous dotation globale masque une hétérogénéité territoriale forte : certaines régions sont un peu mieux dotées, comme l’Ile de France (9,34) ou la région PACA (9,1), quand d’autres disposent d’une offre réduite, comme les Pays de Loire (4,76) ou la Bretagne (4,85). "Si, lors de la première vague, les régions sous dotées avaient été touchées, le scénario aurait été catastrophique", insiste Olfa Hamzaoui.
Chaque année pendant la période hivernale propice aux épidémies comme la grippe, le taux d’occupation des lits de réanimation oscille déjà entre 90% et 100% dans de nombreuses régions. Un taux qui ne permet pas de faire face à une situation de crise sanitaire.
"Chaque hiver, nous alertons les autorités lorsque nous approchons des 100% en réanimation. Dès que l’occupation des réanimations dépasse les 80%, les capacités d’accueil des patients en détresse vitale nécessitant immédiatement des soins de réanimation sont compromises et le système entre en tension. Les Français découvrent avec la COVID-19 le recours aux lits éphémères comme une variable d'ajustement au détriment de la création de moyens pérennes. Nous allons devoir vivre encore longtemps avec le virus : si rien n’est fait pour pérenniser les ressources humaines et les lits de réanimation, nous ne pourrons pas faire face aux prochaines vagues" déplore Nicolas de Prost, médecin réanimateur à l’hôpital Henri Mondor.
Manque d’infirmiers spécialisés de réanimation
A cela s’ajoute le manque d’infirmiers spécialisés de réanimation. Epuisés par la première et la deuxième vague, beaucoup manquent à l’appel, ce qui contraint les services à s’appuyer sur de nouvelles recrues et des intérimaires. Or, rappelons-le, il faut plus d’un an pour former pleinement les infirmiers à la réanimation.
"Si des mesures avaient été prises depuis un an pour former et fidéliser le personnel paramédical, la fatigue serait moindre et le moral meilleur. Et du même coup, la réanimation serait une spécialité plus attractive", commente Nicolas de Prost.
Du côté des médecins, le sous-effectif chronique dans les services de réanimation n’est pas sans conséquences : il met sous pression le personnel en poste et fait peser sur lui une charge de travail supplémentaire. Ces conditions de travail dégradées induisent des burn-out très fréquents (jusqu’à 50% des personnels médicaux et paramédicaux en réanimation), et jouent négativement sur l’attractivité de cette spécialité, dont le caractère indispensable a été mis en lumière par la crise.