Les perturbateurs endocriniens sont pointés du doigt depuis plusieurs années pour leurs conséquences sur la santé. Des scientifiques travaillent toujours sur ces produits et sur leurs effets à différents stades de la vie. C’est le cas d’une équipe franco-suisse, composée de chercheurs de l’université de Genève et de l’IRSET (CHU de Rennes et Université Rennes 1). Ils se sont intéressés au lien entre exposition aux perturbateurs endocriniens et fertilité des hommes. Dans Human Reproduction, ils expliquent que les perturbateurs endocriniens auxquels sont exposés les mères pendant la grossesse ont des conséquences sur la qualité du sperme de leurs enfants ensuite.
Un sperme de mauvaise qualité
En 2019, des chercheurs de l’université de Genève UNIGE constatent que seulement 38% des hommes suisses ont un sperme de qualité suffisante, selon les paramètres définis par l’Organisation mondiale de la santé. Pour parvenir à cette conclusion, ils ont analysé le sperme de plus de 1 000 hommes suisses. "Pour chacun d’entre eux, nous avons réalisé un spermogramme pour mesurer le volume de l’éjaculation, ainsi que la quantité, la mobilité et la morphologie des spermatozoïdes", détaille Serge Nef, directeur de cette étude et professeur au sein de l’UNIGE.
Deux fois plus de risque d'être en deçà des seuils de l'OMS
Avec l’équipe de chercheurs rennais, il a émis l’hypothèse d’un lien avec les perturbateurs endocriniens. Ces substances peuvent être naturelles ou chimiques, et ont une action sur notre système endocrinien, c’est-à-dire tous les organes producteurs d’hormones. "Plusieurs études chez l’animal ont déjà montré que l’exposition gestationnelle à certains perturbateurs endocriniens pouvait influencer le développement de l’appareil reproducteur masculin, ainsi que la production et la qualité du sperme à l’âge adulte", indique Ronan Garlantézec, chercheur à l’IRSET, dans un communiqué de l’UNIGE. Lors de l’essai avec des hommes suisses, des informations sur la profession de la mère ont été récoltées. Les scientifiques ont regroupé les résultats en fonction de l’emploi de ces femmes, pour porter une attention particulière à celles ayant été exposées aux perturbateurs endocriniens, dans un cadre professionnel. Les chercheurs constatent que les jeunes hommes exposés in utero à des perturbateurs endocriniens ont deux fois plus de risque d’être en dessous des seuils standards de qualité établis par l’OMS, tant au niveau du volume de sperme par éjaculation (seuil à 2 ml) qu’au nombre total de spermatozoïdes par éjaculation (seuil à 40 millions). "Dans notre étude, les produits les plus associés avec ces anomalies étaient les pesticides, phtalates et métaux lourds", précise Ronan Garlantézec.
Mieux informer les femmes
Ces résultats ne permettent pas de déterminer si la fertilité de ces hommes est menacée, mais pour les chercheurs, ils doivent servir de bases pour mieux informer les femmes ayant un désir d'enfant. "Il apparait donc nécessaire d’informer les femmes en recherche de conception et en tout début de grossesse des dangers potentiels d’une exposition à ces substances pendant la grossesse, qui pourrait altérer la fertilité de leurs enfants", déclare Luc Multigner, l’un des co-auteurs. Avec l’équipe, ils suggèrent de réaliser une étude similaire auprès de femmes pour mesurer l’impact des perturbateurs endocriniens sur leur appareil reproducteur.