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Pied du diabétique : une piste pour un nouveau médicament

Par Jean-Guillaume Bayard

Cibler un gène qui contrôle la croissance et la régénération des tissus permettrait de stimuler la division cellulaire, de réparer rapidement les plaies chroniques et ainsi éviter des milliers d’amputations chaque année.

Ocskaymark/iStock
Chaque année, 120 000 patients diabétiques sont admis aux urgences pour des ulcères aux pieds et 10 000 en ressortent amputés.
Les chercheurs ont examiné plus de 800 000 molécules avant de trouver celle qui stimule le mieux les voies régénératrices au niveau des plaies.
Ils se sont intéressés au médicament PY-60, habituellement utilisé pour les cas de grave myasthénie, qui agit sur un régulateur jusqu'alors inconnu qui permet la croissance des tissus.

Près de 5 millions de Français souffrent de diabète. Parmi les complications liées à la maladie, la neuropathie périphérique est l'une des plus importante. Cette dernière se définit par une perte de sensibilité des pieds due à une atteinte des nerfs, une diminution de l’hydratation naturelle du pied, ce qui entraîne une sécheresse, des fissures, des callosités et des déformations osseuses. Les diabétiques ont donc tendance à présenter des plaies tendant vers une inflammation chronique qui! empêche la cicatrisation. Chaque année, 120 000 patients diabétiques sont admis aux urgences pour des ulcères aux pieds et 10 000 en ressortent amputés.

Plus de 800 000 molécules étudiées

Pour tenter d’endiguer ce phénomène, des chercheurs américains ont découvert une voie de traitement régénératrice pour les ulcères du pied chez les personnes diabétiques. Dans une étude présentée le 15 mars dans la revue Nature Chemical Biology, ils ont montré comment cibler un gène qui contrôle la croissance et la régénération des tissus permet de stimuler la division cellulaire au niveau de la blessure et réparer rapidement les plaies chroniques. “Compte tenu de la prévalence croissante du diabète et des options limitées pour traiter les ulcères du pied - qui peuvent entraîner une amputation, dans les cas graves - il est clair que des traitements plus efficaces sont nécessaires”, a déclaré le chimiste Michael Bollong, auteur principal de l’étude.

Les chercheurs ont examiné plus de 800 000 molécules avant de trouver celle qui stimule le mieux les voies régénératrices au niveau des plaies. Ils se sont intéressés au médicament PY-60, habituellement utilisé pour les cas de grave myasthénie, qui agit sur un régulateur jusqu'alors inconnu qui permet la croissance des tissus. “Nous avons développé un moyen d'activer de multiples aspects de la cicatrisation des plaies à l'aide d'un médicament à petites molécules qui peut être appliqué localement, sans affecter d'autres tissus, poursuit le chercheur. Essentiellement, nous avons réussi à inciter les cellules à proliférer et à refermer la plaie, en restaurant les couches externes de la peau.” Le médicament a ensuite été testé sur des modèles animaux et sur des “équivalents de peau humaine”, en l’occurrence des échantillons de peau cultivées en laboratoire. “Nous espérons commencer bientôt les essais cliniques” chez l’Homme, avancent les chercheurs.

Une approche potentielle pour traiter d’autres maladies

Au cœur de la nouvelle approche, se trouve un gène connu sous le nom de YAP qui a pour rôle de contrôler la taille des organes et la régénération tissulaire. YAP est régulé par une voie appelée Hippo qui est souvent une cible des médicaments anticancéreux en raison de sa capacité à influencer la croissance cellulaire. Les chercheurs sont parvenus à identifier une protéine qui travaille avec YAP pour communiquer la densité cellulaire dans la voie Hippo. Cette communication est importante puisque lorsqu'un organe ou un autre tissu atteint une certaine concentration, les cellules cessent de croître. En ciblant cette protéine, il apparaît possible de d’accélérer le processus de guérison. Dans leurs expériences, les scientifiques n’ont pas noté d’effets secondaires négatifs mais ont constaté que la couche externe de la peau a doublé en une semaine. “Nous avons trouvé les résultats de l'étude incroyablement convaincants, s’est réjoui Michael Bollong. Nous espérons que cette approche régénérative pourra éventuellement être ajoutée aux normes de soins existantes pour les ulcères du pied diabétique.”

Au-delà du traitement des plaies chroniques, les chercheurs pensent que cette approche peut permettre de nouvelles thérapies régénératives pour les maladies cardiaques, les maladies du foie et les maladies inflammatoires de l'intestin (MICI). “Nous pensons que l'avenir de ce type de thérapie régénérative est incroyablement brillant”, a conclu Michael Bollong.