Depuis un peu plus d’un, les mesures de restrictions sanitaires rythment nos vies avec de nombreuses conséquences psychologiques. La vague de détresse a notamment frappé de plein fouet les étudiants. Mais les salariés ne sont pas en reste avec un taux de dépression en forte hausse. Une enquête Opinion Way publié le 23 mars dernier pour le cabinet Empreinte Humaine pointe que plus d’un tiers d’entre eux (36%) dit souffrir de dépression.
Une désorganisation du travail
Les symptômes dépressifs des salariés sont de plus en plus visibles et inquiétants. “Au début de la crise, l’anxiété était liée à la peur du virus en lui-même, c’est devenu aujourd’hui une dégradation de la santé mentale”, a analysé Christophe Nguyen, psychologue du travail et président d’Empreinte Humaine. Sur les 2 000 employés interrogés, près de la moitié (45%) a déclaré se trouver en situation de détresse psychologique dont 20% affirme souffrir d’une détresse psychologique élevée. Dans le même temps, le taux de dépression a explosé. “Il passe à 36 % (+15 points par rapport à décembre 2020), tandis que le nombre de dépressions sévères a doublé en un an, a noté le psychologue du travail. La détresse psychologique, c'est l'antichambre de troubles mentaux plus sévères dont la dépression, et on voit que les gens sombrent.”
Les salariés les plus à risques sont les moins de 30 ans. Parmi eux, 62 % sont en détresse psychologique avec un risque de dépression accru pour près de quatre sur dix. Les femmes sont également très touchées avec 53 % d'entre elles en détresse psychologique contre 38 % pour les hommes. Les managers, dont 48 % sont en situation de détresse psychologique, sont plus touchés que les non-managers. Les télétravailleurs sont de plus en plus nombreux à se déclarer en souffrance psychologique. “Alors que lors du premier confinement, les plus exposés à la détresse psychologique étaient les salariés en chômage partiel”, a indiqué Christophe Nguyen. L’une des premières causes de détresse est l’espace de vie souvent trop petit des télétravailleurs. Les trois quarts de ceux vivant dans moins de 40 mètres carrés disent ressentir un sentiment d'étouffement. À cela s’ajoute une désorganisation du travail puisque plus de la moitié des interrogés évoquent une surcharge de travail tandis qu’un tiers déclarent ne pas avoir suffisamment de choses à faire.
Des relations sociales de plus en plus tendues
Le rapport entre collègues s’est également dégradé. “On a vu une augmentation des incivilités, a souligné Christophe Nguyen. Cela peut être des micro-agressions par mail, des demandes qui ne prennent pas en compte la capacité et les possibilités du salarié, des relations qui se tendent dans la façon de se parler par tchat... Tout cela pèse sur le long terme.” Ce dernier n’hésite d’ailleurs pas à parler de “crise au travail”. Une crise qui pourrait avoir des conséquences graves : un tiers des salariés redoutent de voir survenir des suicides sur leur lieu de travail et 10% craignent qu'un collègue agresse physiquement d'autres personnes.
La situation ne semble pas progression vers une amélioration du bien-être des salariés. “Ces peurs ne vont faire qu'augmenter si des actions efficaces ne sont pas menées, juge le psychologue. “C'est une question de méthode, de moyens et de volonté de mettre en œuvre des actions orientées vers ce qui marche. Et pas des choses un peu périphériques, comme l'aménagement des locaux ou des cours de yoga... Cela peut être apprécié un moment donné, mais cela ne traite pas le fond du sujet.” L’une des difficultés de fond concerne le manque de communication. Environ 60% des managers ne se permettent pas de parler de leurs difficultés avant de traiter celles de leurs collaborateurs et 4 sur 10 se sentent isolés.