- Sous l'effet de l'apesanteur, le le cœur n’a pas besoin de pomper aussi fort que sur Terre et va donc se rétrecir.
- Le même phénomène a été observé chez les nageurs longue distance parce que la flottabilité dans l'eau a les mêmes effets sur le corps que l'apesanteur.
Dans un peu plus de 3 semaines, le 22 avril exactement, Thomas Pesquet va retrouver la Station spatiale internationale pour une mission qui doit durer 6 mois. Il sera même le commandant de bord de cette expédition, la première pour un astronaute français. Un tel voyage, déjà le deuxième pour le Rouennais de 43 ans, n’est pas sans conséquence pour sa santé. Dans une étude publiée lundi 29 mars dans la revue scientifique Circulation, des chercheurs américains de l'université du Texas Southwestern Medical Center ont examiné les effets de pareil périple sur le cœur. Ils ont analysé l’astronaute Scott Kelly qui a passé près d’un an dans l’espace entre le 27 mars 2015 et le 1er mars 2016.
Un cœur plus petit mais pas moins efficace
Dans l’espace, le cœur rétrécit. Plus précisément, à long terme, l'apesanteur modifie sa structure, provoquant un rétrécissement et une atrophie qu’un exercice physique de faible intensité ne parvient pas à empêcher. La masse du cœur de l'astronaute américain a rétrécit d’un quart par rapport à sa taille avant l’expédition. Cette découverte s’ajoute aux effets déjà connus d’un voyage spatial où le corps humain n’est plus soumis à l’attraction constante de la gravité. Parmi eux, on note notamment que les astronautes ont tendance à avoir la tête qui enfle, les globes oculaires qui s’écrasent, la colonne vertébrale qui s’étire ou encore les os qui se fragilisent.
En observant de plus près le fonctionnement du cœur de Scott Kelly, les chercheurs n’ont pas constaté que son rétrécissement l’empêche de fonctionner correctement. “Son cœur s'est adapté à la gravité réduite, a analysé Benjamin Levine, professeur de médecine à l’université texane et auteur principal de l’étude. Il n’est pas devenu dysfonctionnel, la capacité excédentaire n’a pas été réduite à un niveau critique. Il est resté raisonnablement en forme. Son cœur s'est rétréci et s'est atrophié comme on pouvait s'y attendre en allant dans l'espace.” Cela s’explique par le fait que sans l’attraction de la gravité, le cœur n’a pas besoin de pomper aussi fort que sur Terre, comme tout autre muscle, et perd sa forme physique de par son utilisation moins intense. Cela confirme sa plasticité et l'adaptabilité de sa masse musculaire, dont près des trois quarts est sensible à l'activité physique.
Cette découverte pourrait poser des problèmes si les futurs astronautes étaient blessés, tombaient malades ou encore n’étaient plus capables de faire d’exercice. Cela, notent les chercheurs, pourrait devenir une préoccupation pour les futures missions sur Mars. “Avec des cœurs plus faibles, ils pourraient devenir étourdis et évanouis en marchant sur la planète rouge après des mois de voyage en apesanteur”, écrivent-ils.
Le même phénomène chez un nageur longue distance
Dans leur étude, les chercheurs ont comparé le cœur de Scott Kelly avec celui de Benoît Lecomte, un nageur longue distance français, qui a traversé une partie du Pacifique en 2015, du Japon à Hawaï. Ils se sont intéressés à lui parce que la flottabilité dans l'eau partagent de nombreux effets sur le corps que l’apesanteur. Lors de son périple – il avait prévu de travers le Pacifique pour sensibiliser à la pollution des eaux et l'état des océans mais a été contraint d'abandonner au large d'Hawaï à cause d’une tempête qui a endommagé le bateau qui le suivait - qui a duré 159 jours, le Français a nagé environ huit heures par jour. En observant son cœur, les scientifiques pensaient que ces heures de natation quotidienne seraient suffisamment épuisantes pour l'entretenir et l’empêcher de rétrécir. Les données collectées avant, pendant et après sa traversée ont révélé un tout autre résultat et son cœur a rétréci. “J'étais juste choqué, a décrit le Dr Levine. Je pensais vraiment que son cœur allait devenir plus gros. C'était beaucoup d'exercice qu'il faisait.”
Le cœur du nageur a rétréci presque aussi rapidement que celui de l’astronaute. Le ventricule gauche de son cœur, la partie qui pompe le sang dans l’aorte et à travers le corps, s’est même allégé de presque 30 grammes. Dans une interview après son périple, Benoît Lecomte a estimé que sa fréquence cardiaque était “peut-être dans les faibles centaines” pendant qu'il nageait et a décrit l'intensité de la natation longue distance comme “plutôt une marche rapide, peut-être, ou une course très lente”.
Revoir les exercices physiques des astronautes pendant leur mission
Ces résultats, avancent les chercheurs, pourraient conduire la NASA à concevoir de meilleurs programmes d'exercices pour les astronautes. “Il y a une grande question quant à l'intensité et à la durée appropriées de l'exercice, poursuit le Dr James MacNamara, chercheur en cardiologie à l'université du Texas et auteur de l'article. La natation de Benoît Lecomte nous a donné l’occasion d’analyser quelqu'un qui faisait beaucoup d’exercices de faible intensité.” Pendant son séjour dans l’espace, Scott Kelly a fait de l’exercice six jours par semaine avec du jogging sur un tapis roulant pendant environ 30 à 40 minutes ou sur un vélo stationnaire. Il a également utilisé une machine à résistance qui imitait la levée de poids. “C’est assez fatigant, avait relaté l’astronaute peut après être rentré de sa mission. Vous poussez assez fort, plus de poids que je ne soulèverais à la maison.” Pourtant, au cours de ses 340 jours dans l’espace, la masse cardiaque de M. Kelly a diminué d’environ 27%.
Les auteurs de l’étude proposent que les astronautes changent d'activité sportive et optent pour le rameur. “Les sportifs qui font du rameur ont le plus grand cœur de tous les athlètes, avance le Dr Levine, donc une combinaison d'aviron et de musculation peut être la meilleure stratégie pour les astronautes à l'avenir. L'aviron est un exercice dynamique car il charge le cœur d'une manière qui ressemble à un entraînement simultané de force et d'endurance.”
“Je n'ai plus aucun symptôme de mon passage dans l'espace, du moins aucun symptôme physique, a conclu Scott Kelly, cinq après être revenu sur Terre. Aujourd'hui, si c’était à refaire, je le referais.” Pour Thomas Pesquet, le départ est prévu pour dans quelques semaines. Sans surprise, son cœur devrait lui aussi se mettre rapidement à rétrécir.