Les adolescents vivant dans des familles monoparentales ou recomposées sont plus fréquemment sujets à des consommations de substances à risque que les autres, selon une nouvelle étude de l’Ined. Pour parvenir à cette conclusion, la consommation d’alcool, de tabac et de cannabis par les adolescents français a été analysée par Myriam Khlat et Océane Van Cleemput, à partir des données de l'enquête ESCAPAD.
Des niveaux élevés de consommation de tabac, alcool et cannabis
Premier constat : la France fait partie des pays européens les plus concernés par la consommation abusive d’alcool et de drogues parmi les adolescents. En 2017, 25% des jeunes de 17 ans déclarent fumer du tabac tous les jours, 16% avoir connu au moins 3 épisodes d’alcoolisation ponctuelle intensive (au moins 5 verres en une occasion, NDLR) au cours des 30 derniers jours, et 7% déclarent fumer régulièrement du cannabis (au moins 10 consommations au cours des 30 derniers jours).
Une forte association entre configurations familiales et consommation de substances toxiques
"La transition de l’adolescence vers l’âge adulte est une étape importante dans la mise en place des comportements et modes de vie liés à la santé. Les résultats de cette étude montrent une forte association entre la consommation de ces substances à l’adolescence et la configuration familiale", résument les experts de l’Ined. Avoir vécu un changement de situation, ce qui est le cas des jeunes vivant en familles monoparentales ou recomposées, est associé à une fréquence plus élevée des consommations de tabac, d'alcool et de cannabis. "Cependant, cette corrélation ne signifie pas qu’il existe un rapport de causalité entre rupture parentale et consommation de ces substances", précisent les scientifiques. "On peut en effet envisager que la consommation ait précédé le changement de configuration familiale, comme moyen pour l’adolescent de faire face aux conflits et au stress préalables, ou encore que dans la nouvelle configuration la surveillance parentale soit simplement moins étroite, favorisant les opportunités de consommer", poursuivent-ils.
Des variations de consommation plus marquées pour le cannabis et le tabac que pour l’alcool
Dans l’ensemble, l’ampleur des variations des consommations en fonction de la configuration familiale est beaucoup plus marquée pour le cannabis et le tabac que pour l’alcool. Si l’on prend comme référence les adolescents vivant avec leurs deux parents, ceux qui vivent dans d’autres configurations familiales déclarent plus souvent consommer régulièrement du cannabis. Au sein de ces dernières, les jeunes résidant en garde partagée apparaissent comme les moins concernés par la consommation de cette substance, alors que ceux résidant uniquement avec leur père ou dans des situations complexes apparaissent comme les plus touchés.
Le tabagisme quotidien est plus répandu dans les configurations familiales différentes de la situation de référence, mais les écarts entre situations sont plus réduits que pour la consommation régulière de cannabis. Dans ce cas, l’augmentation du risque de consommer pour les jeunes vivant en garde partagée ou uniquement avec leur mère est plus faible, et celui pour les jeunes vivant uniquement avec leur père, avec un beau-parent ou dans d’autres situations, un peu plus élevé.
Enfin, pour ce qui est de la déclaration d’au moins 3 épisodes d’alcoolisation ponctuelle intensive, l’augmentation est plus faible et les écarts relativement aux situations de vie avec les deux parents sont encore plus réduits, en particulier pour les enfants résidant uniquement avec leur mère.
Adapter les politiques de prévention en fonction des situations familiales
Autre enseignement : le milieu social est également corrélé à la consommation de tabac, d’alcool et de cannabis chez les adolescents. Toutefois, cette association est moins forte que celle observée avec la configuration familiale. De plus, l’association varie en fonction des substances. Quand le milieu social est moins favorisé, le tabagisme quotidien est plus fréquent, de façon comparable à ce qui est observé généralement chez les adultes. À l'inverse, l’alcoolisation ponctuelle intensive est plus fréquente dans les familles aisées. En revanche, pour la consommation de cannabis, aucune différence notable en fonction du milieu social n'a été observée. "Notons que la configuration familiale et le milieu social peuvent être interdépendants de plusieurs manières", précise l’Ined. "Il y a en effet des différences dans le risque de divorce selon le milieu social, et une rupture familiale a des conséquences sur la situation économique du ménage. Les analyses de cette étude en tiennent compte", ajoute l’institut de recherche.
"L'adolescence est une période de développement caractérisée par des comportements à risque accrus, et ces résultats mettent en lumière l’intérêt de mieux adapter les politiques publiques de prévention aux spécificités de cette tranche d’âge", conclut le rapport. "Ces approches pourraient en particulier tirer bénéfice de la prise en compte du fonctionnement de la cellule familiale".