150 000 personnes touchées, 20 % seulement des nouveaux malades diagnostiqués, les associations ont lancé des Etats généraux pour combattre l’indifférence.
« Un matin, je descends péniblement les étages d’un hôtel pour aller prendre mon petit- déjeuner, témoigne Dominique Le Guidec, 58 ans, diagnostiqué parkinsonien depuis 8 ans. Pas de chance, je rate une marche… Un couple fait mine de se porter à mon secours, mais la femme dit à son mari, tu ne vas pas relever un ivrogne ! » Dominique s’est relevé tout seul. Et il n’a pas osé expliquer à cette dame les symptômes du Parkinson. « La maladie est méconnue par la société, dénonce le patient. Et l’histoire de Dominique n’est pas unique. En France, 150 000 personnes sont touchées par cette pathologie neuro-dégénérative d’origine inconnue. Et 10 % d’entre eux ont moins de 40 ans. La maladie frappe aussi les gens en pleine ascension professionnelle. « Souvent, on nous propose des voies de garage, des postes bidons pour nous faire croire que nous sommes utiles, relate Bernard, ancien chef de culture dans une exploitation céréalière. C’est dommage, car si la fatigue ou les tremblements nous handicapent, nos facultés mentales restent entières. »
Un livre blanc pour 2010
Pour rompre le silence, l’association France Parkinson a lancé ce mois-ci des états généraux. En collaboration avec d’autres associations de parkinsoniens, des réunions ont été organisées dans 11 villes de l’Hexagone. Objectif : recueillir les doléances des malades et des familles. La rédaction d’un livre blanc est prévu pour avril 2010. Avec l’espoir que le gouvernement prenne des mesures à l’instar du plan Alzheimer... Pour le moment, l’heure est « aux coups de gueule », explique Bruno Favier, le président de France Parkinson. Tours, Bordeaux, Lorient… A chaque fois, les malades ou les aidants ont relaté les injustices dont ils se sentent victimes. En premier lieu, le regard des autres, même de la part de professionnels de santé. « J’ai eu beaucoup de mal à prendre un rendez-vous avec un kinésithérapeute, raconte Annick Tournier, 61 ans, atteinte depuis 8 ans. Après plusieurs échecs, je me suis dit que ce n’était pas leur tasse thé. » Jean-Pierre Bleton, kinésithérapeute à l’hôpital Sainte-Anne à Paris, le reconnaît. « Chez les orthophonistes ou les kinés, il y a une crainte de la rééducation neurologique, car il faut traiter la motricité automatique. Nous sommes insuffisamment formés, souligne le chef de service de rééducation fonctionnelle. Pourtant, nous pouvons apporter beaucoup de solutions aux difficultés quotidiennes du malade. Par exemple, pour écrire, apprendre à faire travailler l’épaule plutôt que la main. »
Un statut pour les aidants La maladie pèse sur le corps, mais aussi sur les finances. En fonction de la gravité, les coûts moyens annuels varient entre 2700 et 10 360 euros, selon une étude parue en 2004. L’assurance-maladie prend en charge les frais médicaux. Mais reste le coût social. Et les malades se perdent dans les méandres administratives. « Je ne comprends pas quels sont les critères pour obtenir l’allocation adulte handicapé, s’interroge Catherine Leservoisier, 58 ans. Cela fait 4 ans que l’on me dit que je suis à 70 % de taux d’incapacité, or pour avoir la carte il faut être à 80 %, j’ai l’impression que les services sociaux le font exprès. » Pour les conjoints, c’est aussi difficile. Ils peuvent être contraints d’abandonner une activité professionnelle pour accompagner leur mari ou leur épouse. « J’ai cessé mon activité il y a dix ans pour aider mon mari malade, expose Marianne Kuhn. Cela fait autant de points de retraite en moins. Il faut créer un véritable statut de l’aidant. »
Autre réclamation, l’organisation des soins. La maladie de Parkinson est une des rares pathologies neurodégénératives à bénéficier de traitements. La France est même pionnière en la matière. La stimulation cérébrale profonde a été initiée en 1993 par les Prs Alim-Louis Benabid et Pierre Pollak. Depuis, près de 3000 patients ont bénéficié de cette technique. Mais,« Parkinson est le Poulidor des maladies neurodégénératives, les filières de soins ne sont pas constituées, les centres experts n’ont toujours pas été labellisés, nous n’avons pas de financement pour créer des réseaux, pour développer les unités existantes, regrette le Pr Pierre Pollak, neurologue, chef de l’unité des troubles du mouvement au CHU de Grenoble. Résultat, chaque année sur les 10 000 nouveaux cas de Parkinson, seulement moins de 20 % sont diagnostiqués. « Ces états généraux devront faire avancer les projets de création d’établissements d’accueil spécifiques, les projets d’identification de gestes soignants particuliers, espère le Pr Pierre Cesaro, chef du service de neurologie à l’hôpital Henri Mondor (Créteil) et président du comité scientifique de l’association France Parkinson. En attendant ces concrétisations, la balle est dans le camp des malades, notamment ceux qui désertent les associations. « Leur parole doit être entendue, leur doléances doivent remonter au plus haut niveau, précise Yves Waché, président de la Fédération de groupement de parkinsoniens. Les associations mettent à disposition des malades qui ne peuvent pas être présentes aux réunions des états généraux, des fiches pour recueillir leur voix.
Questions au Pr Pierre Cesaro, chef du service de neurologie à l'hôpital Henri-Mondor (Créteil)
"Nous avançons à petits pas"
Quels sont les progrès dans les traitements médicamenteux ?
Pr Pierre Cesaro. Premièrement, la Levo-dopa et les agonistes sont toujours les traitements de référence pour corriger le déficit dopaminergique. Cela redonne de la motricité au patient, un peu de motivation et de plaisir. Mais, attention au dosage, on risque des dyskinésies et des effets psychiques secondaires, des hallucinations, des comportements addictifs au jeu, des fièvres acheteuses. J’attire l’attention des généralistes, qui sont en première ligne pour identifier ces effets secondaires, car il y eu des procès et il y en aura peut-être d’autres. En matière de nouveautés, nous avançons à petits pas. Les pistes privilégiées tournent autour des anti-inflamatoires et des neuro-protecteurs. Par exemple, la rasagiline, un inhibiteur de la monoamine oxydase, semble ralentir de 10 % les effets destructeurs. Le médicament est en vente mais aucun accord n’a été trouvé pour son remboursement. Toujours pour ralentir la maladie, des essais prometteurs sont en cours avec un agoniste, le pramipexol.
Et sur le plan chirurgical ? Pr P. C. La stimulation des noyaux subthalamiques a des effets bénéfiques sur les sujets spécifiques répondant bien à la dopathérapie. Elle réduit près de 80 % des tremblements. Mais, il reste toujours des difficultés au démarrage de la marche. Nous faisons des essais de stimulation sur d’autres parties moins profondes du cerveau comme le noyau pédonculopontin. Les résultats sont intéressants mais encore préliminaires. Concernant l’essai de stimulation sur la moelle épinière chez la souris, publié par Science, il faut être très prudent.
La thérapie génétique est-elle prometteuse ? Pr P. C. La recherche est active. On connaît actuellement entre 13 et 15 mutations qui donnent une maladie de Parkinson. Cette forme de la maladie concerne entre 5 et 10 % des patients. On analyse maintenant plusieurs gènes qui prédisposent au Parkinson ou modifient la réponse au traitement. Des essais d’injection de gènes médicaments sont en cours. La tolérance est bonne mais l’efficacité reste encore modeste avec les doses utilisées.