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Témoignage

Journée mondiale de l'autisme : "L’éducation nationale souhaite clairement se débarrasser de mon fils"

Par Mathilde Debry

En cette journée mondiale de sensibilisation, Olivia Cattan, maman de trois enfants et présidente de l’association SOS autisme France, raconte le parcours de son fils autiste et nous livre son propre ressenti.  

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- Pourquoi docteur - Vous êtes maman de deux grandes filles et d’un fils autiste de 15 ans. Quand avez-vous commencé à identifier des différences chez votre petit dernier ?

Olivia Cattan - J’ai constaté que mon fils était différent assez tôt, car j’avais eu deux filles avant lui ; je connaissais bien les étapes de développement des enfants. Chez lui, tout évoluait de façon étrange. Des fois, on pensait qu’il allait être très précoce, et à d’autres moments, on avait peur qu’il soit en retard. Par exemple, à neuf mois, il s’est levé d’un coup et s’est mis à marcher, sans passer par la case quatre pattes. A côté de ça, il était super attiré par les publicités à la télévision, qu’il regardait en boucle. Il a d’ailleurs su les retrouver très, très tôt sur l’ordinateur. En revanche, il n’arrivait ni à mâcher, ni à avaler, je devais tout lui mixer. Il ne répondait pas non plus à son prénom quand on l’appelait. Par ailleurs, il ne dormait que très peu la nuit, et à peine deux heures dans la journée.

- Comment le diagnostic d’autisme a-t-il été posé?

Un film de Francis Perrin que j’ai vu à la télévision m’a mise sur la piste de l’autisme. J’ai commencé à faire plein de recherches, je suis allée voir tous les médecins possibles et imaginables, j’ai fait le tour des hôpitaux… Mais personne n’arrivait à poser de diagnostic clair, on me répétait sans cesse que s’était trop tôt. Finalement, au bout deux ans et demi d’errance, mon fils a été diagnostiqué autiste par son pédopsychiatre. Il avait 4 ans.

- Avez-vous été assez entourée à l’époque ?

Pas du tout. Le pédiatre de mes filles ne savait pas quoi faire, pas plus que le pédopsychiatre vers lequel il m’a orientée. Idem dans les hôpitaux. J’ai été ballotée de médecins en médecins, sans qu’on ne nous apporte jamais de réponses ou de solutions. Cela nous a généré énormément d’incertitudes et d’angoisses. Avec mon conjoint, on vivait comme des zombies, tout en travaillant. J’ai le souvenir d’une très sale période.

- Le trouble autistique de votre enfant a-t-il impacté votre quotidien ?

Le trouble autistique de mon fils a impacté mon quotidien de multiples façons. J’ai d’abord abandonné mon métier de journaliste pour m’occuper de lui, car je n’avais pas le temps de faire les deux. De ce fait, la conséquence a été aussi financière, car nous ne pouvions plus compter que sur le salaire de mon compagnon. Le rapport avec le reste de la fratrie a également été perturbé, car j’étais ultra-concentrée sur mon fils. J’ai beaucoup moins vu mes amis.

Enfin, et on ne le dit pas assez, le trouble de mon fils a aussi fragilisé mon couple, même si nous sommes toujours ensemble aujourd’hui. La psychanalyste que nous avons fini par consulter n’a d’ailleurs fait que semer la zizanie entre nous. La plupart des parents d’un enfant autiste finissent par divorcer, notamment parce que chacun se renvoie une culpabilité, alors que ni l’un ni l’autre n’y est pour quelque chose.

- Considérez-vous l’autisme comme une maladie ?

Je préfère parler de "trouble" plutôt que de "maladie". Pour moi, l’autisme n’est pas une maladie, car on ne sait pas soigner cette condition avec des médicaments. Pour l’instant, l’origine de l’autisme reste mystérieuse, il n’y a que des pistes de recherche.

- Toutes les personnes autistes se ressemblent-elles ?

Pas du tout, l’autisme est un trouble pluriel, dont l’évolution au cours du temps est multiple. Au sein de mon association, nous avons des enfants extrêmement différents les uns des autres. Mon fils n’a rien à voir avec les autistes Asperger par exemple, ou les autistes lourds (j’emploie ce terme, mais je ne l’aime pas).

- Souffrez-vous de clichés sur l’autisme ? Et votre fils ?  

Je souffre personnellement des clichés sur l’autisme bien sûr, c’est d’ailleurs pour lutter contre que j’ai créé mon association. Même quand les gens veulent bien faire, ils véhiculent encore tellement de préjugés sur les personnes autistes : on les prend soit pour des débiles profond, soit pour des génies, alors qu’ils peuvent tout à fait n’être ni l’un, ni l’autre. La plupart des personnes autistes ne se bouchent pas les oreilles non plus…. Les fausses informations qui pullulent sur le Net à propos des TSA ne font qu’aggraver le phénomène, car les gens sont persuadés d’avoir raison.

Mon enfant souffre également de préjugés à son encontre. Dans les cours de récrées, se faire traiter d’autiste est une insulte courante aujourd’hui, qui a remplacé celle de "mongole".  C’est d’ailleurs arrivé à mon fils récemment, ce qui l’a beaucoup blessé. Certains professeurs sont aussi très maladroits.

- Où votre fils en est-il aujourd’hui ?

Enfant, mon fils a été diagnostiqué comme un "autiste sévère non verbal", une étiquette sous-entendant qu’il ne ferait jamais rien. Aujourd’hui, il est en troisième dans un collège ordinaire, avec 14 de moyenne générale. Il a toujours été dans des écoles non spécialisées, je me suis beaucoup battue pour ça : j’ai même été son AVS (Auxiliaire de vie scolaire) pendant deux ans et demi.

Mon fils a progressé sur beaucoup de choses, mais il reste autiste et le sera toujours. Au niveau de son langage par exemple, une certaine rigidité persiste, et les mots qu’il emploie sont parfois trop compliqués. Il souffre aussi de tocs liés à l’hygiène, qui ont empiré avec la Covid-19. Par peur des microbes, il peut se laver les mains pendant plus de 10 minutes.

Avec l’adolescence, il prend aussi conscience du regard des autres. Il se plaint régulièrement d’être rejeté, et de ne pas avoir assez d’amis. Ce n’est pas facile pour lui.

- Comment voit-il son avenir ?

Mon fils veut aller au lycée, mais l’éducation nationale souhaite clairement s’en débarrasser, sous prétexte qu’il n’aura pas d’AVS l’année prochaine. On m’a suggéré de l’envoyer dans une école hôtelière, ou de l’orienter vers le privé. Pourtant, mon fils va déjà à l’école tout seul aujourd’hui, et a de bons résultats. C’est une injustice insupportable. Face à ce mur, on envisage de déménager pour trouver une solution…

- Y a-t-il selon vous des choses à améliorer pour les personnes autistes en France ?

Trois choses me paraissent importantes :
-       D’abord, pouvoir prendre en charge les enfants autistes directement, avec des médecins spécialistes, qui sont encore beaucoup trop peu nombreux.
-       Ensuite, aider davantage financièrement les parents d’enfants autistes. Seule l’orthophonie est aujourd’hui prise en charge par la Sécurité sociale. Tout le reste des soins (psychologiques, psychomoteurs…) sont à la charge des parents, et sont très onéreux. Avec mon conjoint, nous ne pouvons plus les payer.
-       Enfin, il faut plus d’AVS. Pour cela, il est nécessaire d’améliorer leurs conditions de travail déplorables. Ce n’est pas aux professeurs de compenser ce manque.