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Pensées suicidaires

Pourquoi l’insomnie est un mauvais signe chez les schizophrènes

Par Charlotte Arce

Une nouvelle étude montre que chez les patients schizophréniques, l’insomnie est liée à l’aggravation de l’anxiété et de la dépression, ainsi qu’à l’augmentation des pensées et des actions suicidaires.

Tero Vesalainen/iStock
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Chez les patients schizophrènes, les troubles du sommeil et notamment l'insomnie, sont liés à une augmentation des pensées suicidaires et des tentatives de suicide.
Or, il est démontré que 23 à 44 % des patients atteints de schizophrénie souffrent de problèmes d’insomnie : il est donc nécessaire de bien prendre en charge l'insomnie, pour diminuer le risque de suicide.
L'étude montre que mettre en place certaines habitudes, comme éviter les écrans et la caféine, peut être bénéfique pour traiter les troubles du sommeil, de même qu'une adaptation du traitement.

Touchant jusqu’à 1 % de la population mondiale, et environ 600 000 personnes en France, la schizophrénie est une maladie mentale due à des perturbations qui affectent certaines fonctions du cerveau, notamment la pensée, les émotions et le comportement des personnes qui en sont atteintes. Les personnes souffrant de schizophrénie présentent généralement des hallucinations, des délires, sont affectés par des troubles de la pensée, des sentiments, du comportement, de la perception et de la parole.

Ces symptômes, très envahissants, ont un impact important sur la vie sociale et quotidienne des personnes schizophrènes, ce qui accroît également le risque de suicide. Selon les données scientifiques, une personne schizophrène présente un risque de décès par suicide de 5 à 10 % au cours de sa vie.

Une nouvelle étude, menée des chercheurs au Medical College of Georgia de l'université d'Augusta, aux États-Unis, montre que ce risque de suicide chez les patients schizophrènes est encore renforcé chez ceux souffrant d’insomnie. Elle vient de paraître dans The Journal of Clinical Psychiatry.

"Nous savons maintenant qu'une insomnie importante expose nos patients à un risque de suicide encore plus élevé, alors s'ils présentent des changements dans leurs habitudes de sommeil, s'ils souffrent d'une insomnie importante", explique le Dr Brian Miller, psychiatre et expert en schizophrénie au Medical College of Georgia.

Mal dormir accroît les idées suicidaires

Les chercheurs ont examiné les associations entre l'insomnie, les pensées et tentatives suicidaires et la gravité de la maladie auprès de 1 494 personnes diagnostiquées dans 57 sites dans le pays, et inscrites dans une étude comparative de cinq antipsychotiques différents.

Près de la moitié des patients ont signalé souffrir d’insomnie initiale et moyenne : ils rencontrent des problèmes d’endormissement ou un sommeil fragmenté. 27 % ont signalé une insomnie terminale. C’est-à-dire qu’ils se réveillent trop tôt et ne peuvent se rendormir.

Les travaux montrent que l’insomnie est un symptôme courant chez les patients schizophrènes, les différents troubles du sommeil impactent inégalement leur humeur. Ainsi, le fait de se réveiller trop tôt est particulièrement associé à des pensées suicidaires actuelles, tandis que et les difficultés à s'endormir et à rester endormi augmentent de manière significative la probabilité d'une tentative de suicide au cours des six derniers mois.

Le fait de se réveiller trop tôt est également associé à une schizophrénie plus sévère, comprenant des symptômes tels que l'anxiété et la dépression. Mais quel que soit le type d'insomnie, elle est mauvaise pour la santé générale des patients et pour la maladie, affirme le Dr Miller.

Une perturbation des rythmes circadiens

Des études précédentes ont établi que 23 à 44 % des patients atteints de schizophrénie souffrent de problèmes d’insomnie, et ce qu’ils prennent ou non des médicaments. Ces insomnies surviennent dès le début du processus pathologique de la schizophrénie, et sont corrélées à la gravité de la maladie.

Comment expliquer cette corrélation entre troubles du sommeil et schizophrénie ? Les chercheurs soupçonnent une perturbation des horloges corporelles naturelles, ou rythmes circadiens, qui aident à réguler le sommeil et l'éveil et d'autres fonctions corporelles essentielles. Un état d'excitation généralement élevé chez les patients qui entendent des voix et/ou qui sont paranoïaques est également un facteur probable. "Si vous entendez des voix qui disent constamment des choses négatives et horribles, qui vous réprimandent, qui interfèrent avec vos pensées et vos activités, il peut être difficile de s'endormir", souligne le Dr Miller.

Il est toutefois possible d’améliorer le sommeil des patients schizophrènes et d’agir sur leurs symptômes grâce à un traitement adapté. Cette nouvelle étude suggère ainsi que l'insomnie est une cible importante du traitement de la schizophrénie. Le Dr Miller cite ainsi l'adoption d'habitudes comme éviter les boissons caféinées et la lumière bleue des écrans au moment du coucher, et préconise l'utilisation de somnifères sur ordonnance ou en vente libre.

Des ajustements peuvent également être apportés aux médicaments antipsychotiques utilisés pour traiter leur schizophrénie. Par exemple la clozapine, qui a des effets sédatifs, pourrait être prise de de préférence le soir. Selon le Dr Miller, l'insomnie et les pensées et actions suicidaires sont moins probables chez les patients qui prennent des antipsychotiques connus pour avoir également un effet sédatif.