Depuis le développement des réseaux sociaux, et en particulier depuis le début de la pandémie de Covid-19, les faits de cyberharcèlement à caractère sexuel ont bondi en France. Le revenge porn, qui consiste à partager des photos explicites de son ex sans avoir recueilli sa permission, touche de plus en plus de jeunes filles, souvent mineures.
D’après Franceinfo, le nombre de plaintes déposées pour revenge porn a augmenté de 10,73 % entre 2018 et 2019. D’après le ministère de l’Intérieur, 2 839 plaintes ont été déposées pour en 2019, contre 2 564 en 2018.
Mais les auteurs de revenge porn, après condamnation, prennent-ils la mesure de leurs actes et éprouvent-ils de la culpabilité ? Dans une nouvelle étude publiée dans la revue First Monday, des chercheuses de l’université du Colorado à Denver (États-Unis) posent la question.
44 % des auteurs de revenge porn expriment des regrets
Les chercheuses Amy Hasinoff et Sidsel K. Harder ont examiné comment les personnes ayant été arrêtées pour revenge porn ont parlé aux policiers des actes préjudiciables qu'elles ont commis.
Dans près d'un quart des cas (24 %), les auteurs de revenge porn rejetaient la responsabilité sur la victime, affirmant que celle-ci méritait ce qu’il lui était arrivé, parce qu’elle était une "mauvaise personne" ou avait elle-même réalisé ces photos explicites. "Parfois, les gens choisissent de partager des images sexuelles d'autres personnes sans leur permission", et ils le font "spécifiquement pour causer du tort", souligne la Pr Hasinoff. Parfois, "ils le font par négligence et imprudence ou parce qu'ils pensent que cela n'a pas d'importance ou qu'ils se sentent en droit".
Si plus de la moitié des auteurs de revenge porn (56 %) nient toute responsabilité, 44 % explicitent des remords en reconnaissant avoir commis des actions préjudiciables. Ces personnes plaident toutes "coupable" et expliquent avoir honte de leur comportement, qu’elles justifient par la colère qu’elles éprouvaient envers leur victime, par leur besoin de respect de la part de leurs pairs ou par leur imprudence.
"Ce qui est particulièrement frappant dans cette étude, c'est qu'un groupe de personnes qui ont fait quelque chose de vraiment abusif sont capables de gérer leur honte en transformant leurs émotions négatives en histoires de rédemption sur leur meilleur moi futur, explique le Pr Hasinoff. Dans le même temps, raconter une histoire de rédemption, s'excuser ou exprimer sa honte ne garantit pas le pardon de la victime ou de la communauté."
Déconstruire les stéréotypes sexistes
Pour les deux chercheuses, ces résultats sont importants, car ils montrent que plutôt que de stigmatiser les personnes qui ont partagé des images explicites sans consentement, les interventions futures pourraient s'attacher à les aider à accepter la culpabilité de leurs actes.
"Au lieu de considérer toute personne qui partage une image sexuelle sans autorisation comme une 'mauvaise personne' irrémédiable et de la punir, il serait peut-être préférable pour la victime que la personne qui a commis ce type de préjudice bénéficie d'un accompagnement et d'une aide pour comprendre les effets de ce qu'elle a fait et pour essayer de trouver des moyens significatifs de réparer ce préjudice, estime le Pr Hasinoff. C'est un problème de société qui prend racine dans les normes de genre - comme la façon dont certains hommes se sentent autorisés à traiter les femmes comme des objets sexuels - donc une partie de la solution doit être d'aider les gens à comprendre pourquoi et comment désapprendre ces idées."
Pour rappel, les personnes se rendant coupable de "revenge porn" - autant celles à l'origine de la diffusion que celles qui relaient les images – sont passible d’une peine de deux ans d’emprisonnement et de 60 000 euros d’amende.