La prochaine vague sera psychologique. Une étude parue dans la revue scientifique The Lancet Psychiatry mardi 6 avril avance que 34% des patients infectés par la Covid-19 ont reçu un diagnostic de troubles neurologiques ou psychiatriques dans les six mois suivant la maladie. Pour 13% d’entre eux, il s’agissait du premier diagnostic de ce type. Pour aboutir à ces conclusions, les chercheurs britanniques ont épluché les dossiers de santé de 236 379 patients contaminés à l’aide du réseau américain TriNetX qui compile les dossiers médicaux de 81 millions de personnes.
Plus l’infection est grave plus le risque augmente
Dans le détail, l’étude révèle que l’anxiété (17%), les troubles de l’humeur (14%) et l’insomnie (5%) sont les symptômes qui reviennent le plus souvent. Les atteintes neurologiques comme les hémorragies cérébrales (0,6%), les accidents vasculaires cérébraux (2,1%) et la démence (0,7%) sont moins fréquentes.
Par ailleurs, le risque de présenter des troubles psychologiques ou neurologiques s’accroît en fonction de la gravité de l’infection. Près d’un patient admis en réanimation sur deux (46%) a reçu un tel diagnostic dans les six mois suivant son infection. Il y a même eu jusqu’à 7% d’AVC parmi ceux qui ont été hospitalisés en réanimation, 2,7% d'hémorragie cérébrale et près de 2% ont développé une démence contre respectivement 1,3%, 0,3% et 0,4% des patients non hospitalisés.
Pour aller plus loin dans l'étude, les chercheurs ont comparé les risques de souffrir de ces troubles après avoir reçu un diagnostic d'infection respiratoire comme la grippe. Pour cela, ils ont examiné les dossiers de 236 000 patients. Les résultats révèlent que le risque de diagnostics neurologiques ou psychiatriques est dans l'ensemble de 44% plus élevé après la Covid qu'après la grippe, et de 16% plus élevé qu'après une infection des voies respiratoires.
Santé publique France lance une campagne de sensibilisation
Pour sensibiliser le public à la santé mentale, Santé publique France (SPF) a lancé mardi 6 avril la campagne “En parler, c’est déjà se soigner”. Elle sera composée de spots radios, publicitaires, télévisuels et sera également diffusée sur les plateformes de vidéos en ligne. “Près d’un tiers de la population française souffre d’un état anxieux ou dépressif, c’est une épidémie dans l’épidémie qui nécessite des réponses adaptées, fortes et durables pour détecter la souffrance psychique et mettre en place des dispositifs pour prévenir les symptômes et leur chronicisation”, a expliqué Geneviève Chêne, la directrice de SPF.
Plusieurs psychologues ont salué cette initiative mais ont fait part de leur inquiétude quant à la faiblesse des moyens mis en œuvre. Dans le HuffPost, ils ont partagé leurs craintes sur son manque d’efficacité réelle. “Les professionnels de santé vont-ils pouvoir répondre à la demande ?”, s’interrogent Gladys Mondière, psychologue et co-présidente de la Fédération française des psychologues et de psychologie (FFPP) et son collègue Patrick-Ange Raoult, secrétaire général du Syndicat national des psychologues (SNP), maître de conférences en psychologie clinique. La question du prix des consultations fait également débat. “Tous les citoyens ne peuvent pas se payer des consultations dans le libéral et mes collègues dans les hôpitaux et les CMP (Centre médico-psychologique) sont débordés”, ajoute Gladys Mondière.
Être attentif aux symptômes de la vie quotidienne
Fin mars, les Mutuelles ont proposé de prendre en charge au moins 4 consultations de psychologues “dans la limite de 60 euros par séance”. Début février dernier, déjà, la Cour des Comptes a publié un rapport dans lequel elle s’était déclarée favorable au remboursement des psychologues libéraux par l’Assurance maladie. Depuis deux ans, quatre départements (les Bouches-du-Rhône, la Haute-Garonne, les Landes et le Morbihan) expérimentent la prise en charge de consultations “psy”. La Cour des Comptes souhaite que cela soit élargi à tout le territoire.
Dans la campagne de Santé publique France, l’accent est mis sur “le repérage des principaux symptômes anxieux (irritabilité, sensation de panique) et dépressifs (tristesse, perte d’intérêt, d’énergie) ainsi que des problèmes de sommeil (souvent associés aux états anxieux et dépressifs) à travers des scènes de la vie quotidienne.” Ces signaux, y compris les “troubles alimentaires ou phobiques qui peuvent alerter”, comme le souligne Gladys Mondière, ne doivent pas être pris à la légère. “Je me rends compte à travers mes consultations que beaucoup de gens me disent ‘ça va aller’, ‘je vais tenir bon’... Ce sont justement de mauvais indicateurs qui montrent peut-être qu’on est déjà au bout de ses possibilités psychiques”, affirme la co-présidente de la Fédération française des psychologues et de psychologie.