« Surprésentéisme », un mot peu connu du grand public mais qui touche pourtant plus d'un salarié français sur deux (55 %). Les surprésentéistes sont en réalité des personnes qui viennent travailler malgré un état de santé qui nécessiterait un arrêt maladie. « Pourtant, le phénomène n'est pas anodin puisque le surprésentéisme dégrade la santé du travailleur et débouche à long terme sur des maladies plus importantes. Ca peut-être une pneumonie mal soignée et qui peut dégénérer, ou le risque d'accidents cardiaques qui augmente », confie Denis Monneuse, sociologue, spécialiste de la santé au travail, qui publie un livre (1) sur un phénomène qui se développe depuis la crise économique de 2009.
Les Français champions d'Europe du surprésentéisme
Denis Monneuse : Selon l'étude menée en 2010 par la Fondation européenne pour l'amélioration des conditions de vie et de travail, la France fait partie des pays où le temps de surprésentéisme est le plus élevé (48 % des Français sont venus travailler au moins une fois dans l'année alors qu'ils étaient malades). La moyenne européenne tourne plutôt autour de 40 %. D'après mes enquêtes sur quelques entreprises, il me semble que ce chiffre est plus élévé, de l'ordre de 55 % de Français qui l'auraient pratiqué au cours de l'année.
Des causes différentes selon la catégorie socioprofessionnelle
Denis Monneuse : Si on regarde le surprésentéisme des cadres ou des cadres dirigeants, c'est une question d'exemplarité. Beaucoup de ceux que j'ai rencontré me disent qu'ils veulent montrer le bon exemple à leurs collaborateurs. Ca peut-être aussi une forme de déni de la maladie, par exemple certains se disent, c'est pas une petite grippe qui va m'empêcher de travailler. A l'opposé, on va avoir des causes différentes chez les personnes qui sont plutôt précaires (CDD, intérim...). Ces dernières ont la peur de perdre de l'argent en cas d'absence. La crise économique actuelle participe à la hausse du surprésentéisme.
Des conséquences désastreuses pour le salarié et l'entreprise
Denis Monneuse : En ne prenant pas un temps de convalescence nécessaire, le salarié risque de mettre plus longtemps pour guérir. Mais le surprésentéisme a aussi un coût pour l'entreprise. Tout d'abord, l'effet de contagion. Si le salarié qui est malade est porteur d'un virus par exemple, il risque de contaminer ses collègues. Les autres risques possibles sont, la baisse de productivité du salarié malade qui peut déboucher sur des erreurs d'inattention (parfois coûteuses pour l'entreprise) ou des accidents du travail, parfois graves. Au final, l'entreprise est rarement gagnante à moyen, ou long terme.
Un phénomène mieux considéré dans les pays anglo-saxons
Denis Monneuse : Parmi les réponses développées dans les pays anglo-saxons, il y a essentiellement la sensibilisation. Mais il y aussi des entreprises qui proposent un certain nombre de jours maladies rémunérés par l'entreprise, pour s'assurer que les gens puissent prendre soin de leur santé. Certaines boîtes travaillent aussi sur la notion de télétravail en cas de maladies contagieuses ou qui pourraient avoir un impact important. L'idée, c'est que la personne reste chez elle, mais travaille ou en tout cas s'occupe des affaires urgentes. Ces solutions permettent à ces salariés de trouver un intermédiaire réconfortant entre l'absence totale et la surprésence.
(1) Le surprésentéisme, travailler malgré la maladie, Editions De Boeck