Le stress généré par la peur de ne pas pouvoir payer son loyer ou ses factures à la fin du mois peut-il entraîner des douleurs physiques bien plus tard, lorsque l’on est devenu senior ?
C’est la conclusion à laquelle sont parvenus des chercheurs de l’université de Géorgie, aux États-Unis. Dans une étude publiée dans la revue Stress & Health, ils expliquent que le stress financier ressenti au milieu de la vie est associé à une diminution du sentiment de contrôle une fois âgé, ce qui augmente la douleur physique.
"La douleur physique est considérée comme une maladie à part entière avec trois composantes majeures : biologique, psychologique et sociale, détaille Kandauda Wickrama, professeur au College of Family and Consumer Sciences et auteur principal. Chez les personnes âgées, elle coexiste avec d'autres problèmes de santé comme un fonctionnement physique limité, la solitude et les maladies cardiovasculaires."
La douleur comme phénomène biopsychosocial
Pour comprendre comment les expériences familiales stressantes pouvait avoir des répercussions sur la douleur, les chercheurs ont utilisé les données de l'Iowa Youth and Family Project, une étude longitudinale qui fournit 27 ans de données sur des familles rurales vivant dans l'Iowa. Les données ont été recueillies en temps réel auprès des maris et des femmes de 500 familles qui ont connu des problèmes financiers liés à la crise agricole de la fin des années 1980. La plupart de ces personnes ont maintenant plus de 65 ans et les couples sont mariés depuis longtemps, certains depuis 45 ans.
En analysant les données, les chercheurs ont constaté un lien entre les difficultés financières de la famille au début des années 1990 et les douleurs physiques ressenties près de trois décennies plus tard. Et ce, même après avoir pris en compte d’autres données comme les autres maladies physiques, le revenu familial et l’âge des participants.
Selon le Pr Wickrama, ces résultats montrent bien que la douleur physique est un phénomène biopsychosocial. "La recherche suggère que les expériences stressantes, comme les contraintes financières, érodent les ressources psychologiques comme le sentiment de contrôle. Cet épuisement des ressources active les régions du cerveau qui sont sensibles au stress, déclenchant des processus pathologiques, physiologiques et neurologiques qui conduisent à des états de santé comme la douleur physique, les limitations physiques, la solitude et les maladies cardiovasculaires", développe-t-il.
Parmi les symptômes directement imputés au stress, l’expert relève les pertes de mémoire, les douleurs corporelles et le manque de liens sociaux. "Près des deux tiers des adultes se plaignent d'un certain type de douleur corporelle, et presque autant se plaignent de solitude. Ce pourcentage est en augmentation, et les coûts de santé qui en découlent sont en hausse. C'est un problème de santé publique", conclut le Pr Wickrama.