Combien de temps est-on immunisé contre la Covid-19 après avoir été infecté ? Les réponses immunitaires sont trop variables d’un individu à l’autre pour répondre à cette question. Néanmoins, les chercheurs de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) et de l’Institut Pasteur semblent avoir trouvé une tendance générale : les femmes seraient immunisées plus longtemps que les hommes. Leur étude vient d’être publiée dans la revue The Journal of Infectious Diseases. En effet, le taux d’anticorps produits par les femmes serait plus stable et donc plus durable que celui des hommes.
Les anticorps anti-S diminuent différemment d’un individu à l’autre
Pour parvenir à leurs résultats, les scientifiques ont suivi l’évolution de 308 personnes pendant six mois. Toutes avaient contracté la Covid-19 sous une forme légère. Régulièrement, les chercheurs ont dosé les anticorps - ou immunoglobulines - des patients. Plus précisément, il s’agissait de ceux dirigés soit contre protéine de surface S (IgM et IgG), soit contre la nucléocapside N (IgG) du virus. “Nous avons constaté que les anticorps anti-S étaient les plus persistants, avec 98 % des participants qui avaient un taux détectable dans les 3 à 6 mois après l’infection, explique Samira Fafi-Kremer, qui a dirigé ce travail en collaboration avec l’équipe d’Olivier Schwartz de l’institut Pasteur. Nous avons aussi observé que ce taux diminue progressivement avec le temps, mais avec une ampleur très différente d’un individu à l’autre."
Moins d’anticorps chez les femmes immédiatement après l’infection
En ce qui concerne les différences entre les hommes et les femmes, les scientifiques ont d’abord noté que le taux d’anticorps anti-Covid-19 était en moyenne inférieur chez les femmes dans les premiers temps après avoir été infectées. Mais ils ont ensuite observé un déclin moins rapide et prononcé chez elles que chez les hommes et ce, qu’importe l’âge et le poids des patients. "On sait par exemple que les femmes ont d’une façon générale une réponse humorale et cellulaire plus robuste que les hommes, que ce soit face à d’autres maladies infectieuses ou en réponse à une vaccination, insiste Samira Fafi-Kremer. Le versant délétère de cette plus large réactivité est que les femmes sont plus souvent sujettes aux maladies auto-immunes." Ces dernières se manifestent par un dysfonctionnement du système immunitaire, ce qui le conduit à s’attaquer aux constituants normaux de l’organisme. Il s’agit, par exemple, de la sclérose en plaques ou du diabète de type 1.
Mieux envisager la réponse vaccinale en fonction des sexes
La différence des hommes et des femmes face à la Covid-19 serait liée à des mécanismes hormonaux, génétiques et environnementaux. "Une grande partie des gènes de l’immunité se situe sur le chromosome sexuel X, présent en deux exemplaires chez les femmes, contre un seul chez les hommes, développe Samira Fafi-Kremer. L’expression des gènes présents sur ce second chromosome est majoritairement réprimée, mais entre 15 et 30 % de ces gènes peuvent échapper à cette inactivation". Les chercheurs vont poursuivre au-delà de 6 mois le suivi de ces patients afin de préciser leurs résultats et aussi mieux envisager les différences de réponses vaccinales entre les hommes et les femmes. “Nous pourrons aussi déterminer le taux d’incidence des réinfections, conclut Samira Fafi-Kremer. Cela nous permettra d’évaluer dans quelle mesure la réponse humorale à une première infection permet d’être ou non protégé et, par extrapolation, d’appréhender la protection offerte par la vaccination. Par ailleurs, nous sommes en train de mesurer le maintien de la réponse lymphocytaire dans le même groupe de patients aux différents temps de suivi, pour évaluer la façon dont l’immunité mémoire persiste."
En décembre dernier, une étude publiée dans la revue Nature Communications soulignait déjà des différences entre les deux sexes face à la Covid-19. Les chercheurs expliquaient que les hommes avaient trois fois plus de risque que les femmes d’entrer en soins intensifs et de mourir de cette maladie.