Les patients obèses sont-ils les grands oubliés de la campagne de vaccination contre la Covid-19 ?
Alors que la vaccination est aujourd’hui ouverte à l’ensemble des plus de 55 ans et aux 50-54 ans avec comorbidité, 3,5 millions de personnes s’estiment mises sur la touche. Il s’agit des Français de moins de 50 ans souffrant d’obésité, qui doivent prendre leur mal en patience avant d’espérer recevoir leur première dose.
Des patients à risque oubliés
Une aberration, si l’on en croit ces patients, qui militent aujourd’hui pour être considérés comme à risque. Les chiffres leur donnent raison. Actuellement, parmi les patients admis en réanimation pour Covid grave, 45 % sont obèses. Ce chiffre est même grimpé à 47 % en début d’année. "On le sait depuis le début. Nous l’observons dans notre service, tout comme les collègues des services de réanimation partout, en France et ailleurs", affirme ainsi à 20 Minutes le Pr Djillali Annane, chef du service de réanimation de l’hôpital Raymond-Poincaré à Garches (Hauts-de-Seine).
Pourtant, les études montrent bien qu’une personne en surpoids présente un risque plus important plus important de contracter une forme grave de Covid-19, et ainsi d’être admise en réanimation. Ce risque de complication augmente encore si elle a des pathologies associées, comme le diabète de type 2, l’hypertension artérielle, l’apnée du sommeil, les maladies du foie ou les troubles hormonaux. Un fort surpoids est aussi associé à une augmentation des risques de cancer, rappelle Anne-Sophie Joly, présidente du Collectif national des associations d'obèses (CNAO) à 20 Minutes.
Interrogée sur les ondes d’Europe 1, Alina Constantin, 45 ans et obèse, estime ainsi que les patients obèses sont traités comme des "citoyens de deuxième classe". Comme les autres patients avec un fort surpoids, elle devra attendre la toute dernière phase de la campagne de vaccination pour obtenir ses deux doses, comme toute personne de plus de 18 ans n’étant pas considérée comme à risque.
Des incohérences à clarifier
À ce jour, seules les personnes considérées comme "à très haut risque de forme grave de coronavirus" sont considérées comme éligibles à la vaccination, détaille sur son site le ministère de la Santé. Parmi elles, "les personnes obèses avec un indice de masse corporelle (IMC) supérieur à 40, qui sont définies par la Haute autorité de Santé (HAS)", précise le Dr le Dr Claude Leicher, médecin généraliste. "Ainsi que les personnes avec IMC supérieur à 30 ayant des comorbidités, même si là, ce n’est pas clairement établi pour les plus jeunes", poursuit le médecin, qui coorganise le centre de vaccination de Valence, dans la Drôme.
Face à ces incertitudes, et pour mieux protéger les personnes obèses vulnérables, même jeunes, certains centres de vaccination ont décidé de leur donner la priorité, au même titre que les autres patients avec comorbidités. C’est le cas à Strasbourg, qui a ouvert ce week-end un centre de vaccination spécialement dédié aux personnes obèses de plus de 18 ans, en accord avec l’Agence régionale de Santé du Grand-Est et le préfèt. "Il faut se rendre compte que, finalement, très peu de personnes même de moins de 50 ans sont inéligibles. Les obèses à plus de 30 d'indice de masse corporelle ont toujours un autre facteur de risque", affirme à France Info le professeur Michel Pinget, qui gère ce nouveau centre.
Une incohérence que déplore Agnès Maurin. Interrogée par Europe 1, la cofondatrice de la Ligue contre l’obésité dénonce des "inégalités sur le territoire ". "Cela signifie que lorsqu’on habite Strasbourg, on peut se faire vacciner si on a 20 ans, mais pas ailleurs sur le territoire." Elle réclame aujourd’hui une ouverture de la vaccination à toute personne obèse, sans limite d’âge, et rappelle que près de 40 000 personnes souffrant d’obésité sont mortes de la Covid-19 depuis le début de la pandémie.