Comment distinguer un bleu comme simple "bobo" chez un tout-petit d’une ecchymose qui caractérise un cas manifeste de maltraitance infantile ?
Chez les professionnels de santé et de la petite enfance, reconnaître les cas de maltraitance chez un nourrisson ou un très jeune enfant n’est pas toujours aisé. Un nouvel outil clinique mis au point par des chercheurs américains pourrait les y aider. Appelé TEN-4-FACESp, il spécifie avec précision les régions du corps où l’apparition d’ecchymoses est probablement due à la maltraitance chez les nourrissons et les jeunes enfants. Les résultats de l’étude viennent d’être publiés dans la revue JAMA Network Open.
"Un bleu sur un jeune enfant est souvent considéré comme une blessure mineure, mais selon l'endroit où il apparaît, il peut être un signe précoce de maltraitance, explique Mary Clyde Pierce, médecin urgentiste pédiatrique et directrice de recherche pour la division de la pédiatrie de la maltraitance des enfants à l'hôpital pour enfants Ann & Robert H. Lurie de Chicago. Nous devons considérer les ecchymoses en termes de risque. Notre nouvel outil de dépistage aide les cliniciens à identifier les cas à haut risque qui justifient une évaluation de la maltraitance des enfants. C'est essentiel, car la maltraitance a tendance à s'aggraver et une reconnaissance plus précoce peut sauver la vie des enfants."
Une sensibilité de 95 %
L’outil de dépistage signale de manière fiable un risque élevé de maltraitance suivant les régions où apparaissent les blues : le torse, les oreilles et le cou, ainsi qu’à certains endroits du visage : le frein (la peau entre la lèvre supérieure et la gencive, et sous la langue), l’angle de la mâchoire, les joues, les paupières et la sous-conjonctivite (ecchymose rouge sur la partie blanche de l’œil). Le « p » de TEN-4-FACESp correspond à des ecchymoses à motifs, lorsque, par exemple, des traces de morsure ou la forme de la main sont visibles sur la peau de l'enfant. Enfin, le "4" représente toute ecchymose, quel que soit l'endroit où se trouve un enfant âgé de 4 mois ou moins. Les chercheurs précisent que cette règle ne s'applique qu'aux enfants présentant des ecchymoses et âgés de moins de 4 ans.
Pour tester ce nouvel outil, les chercheurs ont dépisté les ecchymoses chez plus de 21 000 enfants âgés de moins de 4 ans dans cinq services d'urgence pédiatrique. Ils ont recruté 2 161 patients présentant des ecchymoses. Les chercheurs ont constaté que l'outil de dépistage TEN-4-FACESp avait une sensibilité de 95 % et une spécificité de 87 %, ce qui signifie qu'il distinguait les abus potentiels des non-abus avec un haut niveau de précision.
"Il était très important pour nous de veiller à ce que l'outil de dépistage permette d'identifier les cas potentiels de maltraitance sans surestimer les cas innocents d'enfants présentant des ecchymoses causées par une blessure accidentelle ou fortuite, insiste le Dr Pierce. Nous sommes ravis que cet outil se soit avéré très fiable et qu'il soit suffisamment simple pour être appliqué lors de toute rencontre clinique. Un examen de la peau chez les nourrissons et les jeunes enfants est essentiel."
Une application bientôt disponible
Prochain objectif : développer une application TEN-4-FACESp, dont le lancement est prévu pour octobre. Elle présentera une image 3D rotative du corps de l'enfant. Lorsqu'un clinicien cliquera sur une zone de l'ecchymose d'un patient, un résumé des résultats de l'étude apparaîtra, ce qui permettra de comparer le patient du clinicien avec les données réelles de cette étude à grande échelle. L'objectif étant d'aider l'utilisateur à décider si l'ecchymose est un signe d'abus.