Si la transmission du coronavirus responsable de l'épidémie de Covid-19 a pu être expliquée par la diffusion de gouttelettes, voire par sa présence sur certaines surfaces, un travail publié dans The Lancet vient de souligner les dix raisons de penser que le principal mode de transmission de la maladie serait bien l'aérosol. De quoi s'interroger -même sans revenir sur le débat du port du masque qui a marqué le début de la pandémie de Covid-19- sur l'opportunité de mesures sanitaires qui ont souvent consisté à empêcher les populations d'avoir des activités à l'extérieur ou de les obliger à se confiner dans des endroits clos puisque c'est évidemment à l'intérieur que la transmission par aérosol se fait le plus facilement.
L'étude publiée dans The Lancet récapitule tous les "indices" qui placent ce mode de transmission par aérosol en tête de tous les autres.
Premier d'entre-eux, le fait que des contaminations importantes ont eu lieu dans des endroits fermés (salles de spectacles, navires, abattoirs, établissements de soins, etc..) dont la taille et le mode de ventilation ont entraîné une surdispersion du virus incompatible avec une transmission uniquement par gouttelettes.
Deuxième indice, la contamination observée entre des personnes se trouvant seuls dans des pièces proches l'une de l'autre, ce qui est notamment le cas dans les hôtels accueillant des les patients contaminés ou les cas contacts placés en quarantaine.
Troisième indice, la transmission par des patients asymptomatiques pourrait représenter entre un tiers et 60% des contaminations. Or, ces patients ne toussent, pas, n'éternuent pas ... mais parlent en sécrétant non pas des gouttelettes mais bien des particules d'aérosol.
Quatrième indice, la transmission du coronavirus est beaucoup moins élevée à l'extérieur qu'à l'intérieur où elle peut d'ailleurs être réduite lorsque les locaux sont bien ventilés avec de l'air extérieur.
Cinquième indice, alors que d'importantes précautions -même si elles ont parfois tardé faute de matériel- ont été prises pour protéger les personnels soignants des gouttelettes ou du contact avec des surfaces infectées, des infections nosocomiales par le SARS-CoV-2 ont été recensée un peu partout, les soignants n'ayant, en dehors des masques, bénéficié d'aucune protection particulière contre les aérosols.
Sixième indice - et non des moindres- le coronavirus sous sa forme infectieuse a été détecté dans l'air en laboratoire jusqu'à trois heures après sa diffusion, dans l'air de locaux occupés par des patients Covid ou dans l'air présent dans leur voiture. Et cela même si l'article de The Lancet souligne que certaines études ont montré que l'on n'avait pas réussi à capturer des échantillons de SARS-CoV-2 dans l'air, "cet échantillonnage étant techniquement très difficile".
Septième indice, la détection du virus dans des conduits d'aération et des filtres à air de locaux hospitaliers, "emplacements qui ne pouvaient être atteints que par aérosol".
Huitième indice, la contamination d'animaux sains placés dans des cages séparées de celles d'animaux infectés mais reliées entre-elles par des conduits d'air.
Neuvième indice, on n'a jamais prouvé ... le contraire ! Autrement dit, "aucune étude n'a fourni de preuves solides pour réfuter la transmission aérienne du SARS-CoV-2. Et si certaines personnes ayant respiré le même air que des patients contaminés n'ont pas été elles-mêmes atteintes par le virus, cela peut s'expliquer "par une combinaison de facteurs comme la quantité d'excrétion virale ou le degré de ventilation de l'environnement".
Dixième indice, qui vient conforter le précédent, les preuves "limitées" d'autres voies de transmission. "L'hypothèse erronée d'une transmission par proximité immédiate impliquant de grosses gouttelettes a été utilisée durant des décennies pour nier la transmission aérienne de la tuberculose et de la rougeole (il est désormais établi que le virus responsable de cette dernière reste actif dans l'air durant deux heures ..., NDLR)".
Conclusion des chercheurs : "Bien que d'autres routes puissent y contribuer, nous pensons que la route aérienne est susceptible d'être dominante", affirment-ils en précisant que cela doit avoir "des implications en matière de santé publique".