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L'entretien du dimanche

Syndrome prémenstruel : "C'est rassurant, déculpabilisant, de mettre des mots dessus"

Par Floriane Valdayron

Plusieurs professionnels de santé s'interrogent sur l'existence d'un lien entre la crise sanitaire et les changements recensés dans les cycles menstruels ces derniers mois. L'occasion de mettre en lumière le syndrome prémenstruel, un trouble encore trop méconnu mais dont les symptômes handicapent parfois la vie des femmes qui en souffrent. Le point avec la sexothérapeute Alexia Bacouël, qui nous livre les clés pour vivre au mieux cette période du mois. Son mot d'ordre ? S'écouter.

Biserka Stojanovic/iStock

- Pourquoi docteur : Qu'est-ce que le syndrome prémenstruel ?

Alexia Bacouël : Cela correspond aux symptômes récurrents qui se produisent une semaine avant les règles et qui ont tendance à s'estomper à leur arrivée. Il est recensé par le DSM-5, le manuel de l'Association psychiatrique américaine qui classe l'ensemble des troubles mentaux. Lorsque les symptômes sont assez sévères pour empêcher sa vie sociale et professionnelle d'être "fonctionnelle", on parle de trouble dysphorique prémenstruel. Dans tous les cas, ce n'est pas parce que l'on est touchée aujourd'hui qu'on le sera forcément demain, et inversement. C'est très variable. 

- Quels sont ses symptômes ? 

La liste est longue ! Le syndrome prémenstruel peut se manifester par une labilité émotionnelle, une irritabilité accompagnée de colère, une humeur assez dépressive très marquée, un sentiment de désespoir, une autodépréciation, une anxiété, une nervosité… On peut également éprouver des difficultés à se concentrer, une certaine léthargie, une fatigabilité, faire de l'hyperphagie, être sensible à l'hypersomnie ou aux insomnies, se sentir plus débordée que d'ordinaire, ou encore avoir l'impression de perdre le contrôle. Souvent, dans ces périodes, l'intérêt pour les activités habituelles comme le travail, l'école, et les loisirs, diminue.

En conséquence, on peut se sentir beaucoup moins efficace, moins productive. Il existe aussi des symptômes un petit peu plus physiques, tels que le gonflement des seins, les douleurs articulaires ou musculaires, et la sensation d'enfler. Des femmes prennent même du poids : il s'agit d'une véritable perturbation. Certaines sont dans un tel état qu'elles ont du mal à se lever de leur lit. Dans ce cas, lorsque le trouble se perpétue et qu'il altère vraiment la qualité de vie, il faut le faire constater par un psychiatre.

- Est-il possible de souffrir du syndrome prémenstruel sans le savoir ?

Tout à fait, je le vois avec mes patientes : trois quarts d'entre elles ne savent pas que leurs symptômes sont dus au syndrome prémenstruel. Étant donné que nous nous trouvons dans une société où nous sommes beaucoup plus dans notre tête que notre corps, elles ne font pas forcément le lien. Quand on met le doigt dessus, elles appréhendent leur cycle différemment, les mois suivants. C'est très intéressant, comme si c'était une manière de se reconnecter à soi pour mieux gérer cette situation. Plus largement, c'est rassurant, voire déculpabilisant, de comprendre pourquoi on se met dans des états aussi violents que ceux que peuvent induire le trouble. 

Cela revient à dire : "Tu n'es pas agressive pour rien, cela s'explique par la physiologie de ton corps". Pouvoir mettre des mots sur ce que l'on traverse est précieux. À ce titre, le compte Instagram @spmtamere récolte et publie des témoignages de femmes qui vivent le syndrome prémenstruel assez difficilement. 

- Pourquoi est-il si méconnu ?

Je pense que le poids des idées reçues sur les règles des femmes joue : on a toujours dit qu'elles étaient exécrables pendant leurs menstruations, en généralisant, et sans chercher à comprendre leur physiologie. Leur corps a souvent été tu, nié, dans la médecine. On le voit à d'autres niveaux. Par exemple, de nombreux médicaments présentent des effets secondaires chez les femmes parce qu'ils n'ont pas été étudiés en prenant en compte leur biologie.

- Comment vivre au mieux le syndrome prémenstruel ?

Malheureusement, à part agir symptôme par symptôme, il n'existe pas de médicament pérenne. Dans un premier temps, le plus indiqué est d'en parler à son gynécologue, tout en chassant l'idée reçue selon laquelle il est normal de souffrir lorsque l'on a ses règles ou qu'on s'apprête à les avoir. Si les troubles se manifestent trop violemment, on peut également consulter un psychiatre pour se voir prescrire des anxiolytiques ou des antidépresseurs à certaines périodes, s'il le juge nécessaire. Néanmoins, c'est surtout un travail d'acceptation qui permettra d'être moins dans la douleur liée à la lutte contre ce qu'il se passe en nous. Cela me semble être la solution la plus viable.

En étant alerte, en s'écoutant, en se reconnectant à son corps, il est possible d'agir. Un mot d'ordre : se faire plaisir. Cela peut passer par s'octroyer du temps pour soi, prendre des bains chauds pour soulager certains symptômes, dormir un petit peu plus, boire davantage de tisanes pour éliminer les gonflements, ou encore marcher dans le seul but de se faire du bien. La méditation et le yoga peuvent également aider, de même que les médecines douces. Je pense aussi aux massages énergétiques, ainsi qu'à la piscine, qui peut apaiser en procurant une sensation d'apesanteur. De manière générale, le sport peut délivrer certaines hormones qui rééquilibrent un petit peu la chimie. On ne le dira jamais assez : la clé est de prendre soin de soi.