Cette saison, le nombre de cas de grippe, en France et dans les pays occidentaux, est le plus faible jamais enregistré. En France, les nombres de consultations et d’hospitalisations pour syndrome grippal depuis fin septembre sont les plus bas jamais rencontrés selon Santé Publique France, et aucun malade n’a été admis en réanimation pour grippe cette année. La tendance est la même en Europe, aux Etats-Unis et dans le reste du Monde et ce n’est pas sans poser des problèmes pour les experts de la grippe.
Non seulement, l’immunité de groupe de la population française a pu être réduite car elle n’a pas été réveillée par le contact avec les virus en circulation cet hiver (même en cas d’infection asymptomatique), ce qui risque de nous rendre plus vulnérable d’après de nombreux scientifiques. Mais, de plus, avec le faible nombre de virus en circulation dans le Monde, les experts de la grippe ont plus de mal à choisir quelles sont les différentes souches de virus grippal à inclure dans le prochain « cocktail vaccinal » à la base de la vaccination annuelle.
Où est passée la grippe cette hiver ?
Avec les mesures de distanciation mises en place en mars 2020 pour stopper la propagation du coronavirus, la grippe a rapidement disparu et elle n'est toujours pas revenue. La saison actuelle de la grippe, qui aurait normalement dû s’étaler entre septembre 2020 et jusqu'à début mai 2021, n'a pratiquement pas eu lieu.
Les craintes d'une « Twindemic » (double épidémie), avec son risque d’aggravation du fardeau des infections respiratoire et de débordement du système de soins, ont été déçues. Et heureusement car le coronavirus s’en est chargé tout seul
Pourquoi la grippe a-t-elle disparu ?
En plus des mesures de distanciation et le port du masque, il est vrai que cette année un peu plus de personnes se sont vaccinées contre la grippe que d’habitude (55,1% par rapport à 47,8% l’année précédente). Mais cela n’est peut-être pas la seule explication, car il y a également eu moins d’infections respiratoires comme celles à virus respiratoire syncytial.
D’après certains experts, il est aussi possible que le coronavirus ait joué un rôle direct dans cet effacement, par un simple mécanisme de compétition écologique, car les virologues disent classiquement qu’un seul virus respiratoire domine à un moment donné dans une population donnée.
Quand la grippe va-t-elle revenir ?
Il est certain que la grippe va revenir d’après les experts, elle revient toujours, passant d’un pays et d’un hémisphère à l’autre (l’hiver dans l’hémisphère nord et l’été dans l’hémisphère sud), mais ils ne savent pas quand. Il est même possible qu’avec la très probable prolongation des mesures de distanciation et de port du masque jusqu’en 2022, la prochaine saison de la grippe (2021-2022) soit également réduite.
Mais, au-delà de 2022, sauf à imaginer un changement drastique des comportements de la population française, avec la persistance d’une habitude de port du masque dans les transports en commun et de lavage des mains pendant les périodes de grippe, cette malaide reviendra.
Et ce retour d’une grippe après une ou 2 années blanches complique la tâche des experts : il leur est difficile d’évaluer le potentiel de gravité des souches virales, ainsi que leur impact sur une population moins immunisée, du fait du petit nombre de souches en circulation, et cela ne laisse pas d’inquiéter les spécialistes de la grippe.
Le retour de la grippe sera-t-il plus grave ?
La grippe est une maladie relativement courante mais qui peut être grave, voire mortelle, chez les jeunes enfants, les personnes âgées et les adultes souffrant de maladies chroniques. Or, chaque année, entre 20 et 30% de la population verrait son immunité naturelle renforcée et stimulée par une exposition aux virus de la grippe... ce qui ne surviendra pas cette année du fait de l’absence de circulation du virus.
Cette absence d'exposition aux dernières souches de grippe, pendant la pandémie de SARS-CoV-2, pourrait donc rendre la population plus vulnérable au virus lorsque celui-ci reviendra, quelle qu’en soit sa forme. Cette diminution de l'immunité naturelle est préoccupante pour de nombreux experts de la grippe car une immunité naturelle plus faible pourrait entraîner davantage d'infections et des maladies plus graves.
Comment choisir le bon mélange vaccinal de l’année prochaine ?
La création du vaccin contre la grippe a également été rendue plus difficile cette année que par le passé. Chaque année, généralement à la fin de l'hiver dans l'hémisphère nord, les experts internationaux de la grippe évaluent la gravité des souches de grippe en circulation dans le monde (en été la grippe passe dans l’hémisphère sud et en France on étudie beaucoup la circulation des virus à la Réunion) et se réunissent pour choisir les souches à intégrer dans le vaccin de l'année.
Dans le cadre de ce choix, ils intègrent non seulement les souches en circulation les plus graves mais aussi celles qui d’après leurs estimations, leurs paraissent à même de fortement circuler l’année suivante. Il s’agit donc d’une forme de pari, mais de pari raisonné à partir de données épidémiologiques virales.
Avec la baisse du nombre de cas de grippe et de souches de virus en circulation au cours de cette année quasi blanche, la tâche des experts pour le choix des souches à mettre dans le vaccin est rendue encore plus compliquée et le pari est encore plus risqué : il est difficile d’évaluer le potentiel de gravité d’une souche sur un aussi petit nombre de cas pour prédire quelles nouvelles souches circuleront en 2021-2022.
Tout n’est pas négatif
L'absence de grippe présente néanmoins un aspect potentiellement positif : avec la diminution du nombre de cas, il est aussi possible que le virus n'ait pas eu autant d'occasions pour évoluer. Cette diminution potentielle des mutations pourrait donc, peut-être, s’associer à une plus grande efficacité des vaccins.
Au final, cependant, la réduction de la circulation de la grippe et l'incertitude entourant son retour rend paradoxalement sa vaccination encore plus importante, et pour plusieurs années. Il faudra cependant que les fabricants prévoient plus de doses car il n’y en a clairement pas eu assez en septembre 2021.