- Le 26 avril 1986, un réacteur de la centrale nucléaire de Tchernobyl, en Ukraine, explosait en libérant d'importantes quantités de matières radioactives
- Il n'a aurait pas de changements génétiques observés dans la génération des enfants des personnes contaminées
- En revanche, des ruptures de brins d'ADN ont été détectées chez des patients touchés par un cancer de la thyroïde lié aux radiations et parfois chez leurs descendants exposés in utero
Le 26 avril 1986, le plus grave accident nucléaire du XXème siècle avait lieu dans la centrale de Tchernobyl, en Ukraine, territoire appelé à l’époque république socialiste soviétique d'Ukraine, en URSS. L’explosion du réacteur numéro 4 a libéré de grandes quantité d’éléments radioactifs dans l’air. 35 ans après cette catastrophe, des chercheurs ont voulu étudier les potentiels effets de l'exposition aux rayonnements ionisants - un type d’énergie libérée par les atomes sous forme d’ondes ou de particules, qui est reconnu cancérogène dans certains cas - sur la santé et la génétique des habitants et de leurs enfants. Ainsi, ils ont utilisé des outils génomiques très pointus, dont la science ne disposait pas au moment de l’accident, pour analyser des échantillons biologiques de personnes qui ont été touchées par la catastrophe. Les auteurs ont mené deux études, l’une et l’autre publiées dans la revue Science le 22 avril dernier.
Pas de changement génétique sur la génération suivante
La première étude est rassurante. Les auteurs estiment qu’en l’état actuel de leur connaissances, l'exposition aux radiations et aux rayonnements ionisants des parents à l’époque du drame n'a pas entraîné des changements génétiques sur la génération d’après, leurs enfants. Pour parvenir à ce résultat, les chercheurs ont analysé les génomes complets de 130 personnes nées entre 1987 et 2002 et de leurs 105 couples de parents. Ces derniers avaient été exposés aux rayonnements ionisants, soit en aidant à nettoyer la centrale ou son environnement proche après l’accident nucléaire, soit parce qu'ils habitaient à proximité de la centrale. Les chercheurs ont analysé les génomes, c’est-à-dire le répertoire de gènes, de leurs enfants afin d’estimer s’ils avaient eu une augmentation d'un type particulier de changement génétique héréditaire, la mutation de novo. Ce n’était pas le cas, ce qui suggère que l'exposition aux rayonnements ionisants a eu un impact minime, voire nul, sur la santé de la génération suivante. “Nous considérons ces résultats comme très rassurants pour les personnes qui vivaient à Fukushima au moment de l'accident de 2011, estime Stephen J. Chanock, un des auteurs de l’étude. On sait que les doses de rayonnement au Japon ont été inférieures à celles enregistrées à Tchernobyl”.
Des changements génétiques chez les personnes ayant un cancer de la thyroïde
Après la catastrophe de Tchernobyl, il y a eu une augmentation du nombre de cancers de la thyroïde chez les personnes ayant été au contact des rayonnements ionisants. Ce phénomène a été l'un des effets sanitaires les plus importants observés après l'accident nucléaire. La deuxième étude visait donc à identifier les changements génétiques opérés chez les personnes ayant développé ce type de cancer après avoir été exposées aux radiations, dans leur enfance ou in utero. Ainsi, les chercheurs ont analysé les échantillons biologiques de 359 de ces individus afin de les comparer à ceux de 81 personnes non exposées car nées plus de neuf mois après l'accident. Selon les auteurs, les rayonnements ionisants auraient endommagé l'ADN de personnes exposées durant leur enfance, notamment par des ruptures des deux brins d'ADN. Et plus les enfants avaient été exposés jeunes, plus ce phénomène était important. De plus, les individus qui avaient été exposés à des doses de rayonnement plus élevées avaient proportionnellement plus de fusions de gènes, ce qui signifie que leur deux brins d'ADN cassés se sont finalement réunis mais avec les mauvais morceaux.
Une étude pour mieux connaître les caractéristiques de la tumeur thyroïdienne
En revanche, les personnes non exposées ou celles exposées à de faibles niveaux de rayonnement n’avaient que des mutations ponctuelles, sur une seule paire d’ADN, ce qui est moins grave. D’après leurs résultats, le risque de développer un cancer de la thyroïde serait donc plus élevé si deux brins d’ADN sont cassés, ce qui signifie que cette pathologie serait liée à ce changement génétique. Enfin, grâce à leurs travaux, les scientifiques ont aussi identifié les gènes touchés et responsables du développement futur du cancer de la thyroïde. "Un aspect passionnant de cette recherche a été l'opportunité de lier les caractéristiques génomiques de la tumeur avec des informations sur la dose de rayonnement, le facteur de risque qui a potentiellement causé le cancer", souligne Lindsay M. Morton, chercheuse qui a dirigé l’étude. Ainsi, les scientifiques ont établi les causes génétiques de ce cancer en fonction de la dose et de l’âge d’exposition aux rayonnements ionisants, ce qui permet de mieux connaître les caractéristiques de la tumeur.