- Pourquoi docteur - Les femmes meurent-elles plus de problèmes cardiaques que les hommes en France ?
Professeur Claire Mounier-Vehier - Il y a 200 femmes qui décèdent par jour en France de maladies cardiovasculaires (AVC, infarctus, pathologie aortique), ce qui est énorme. C’est 6 fois plus que le cancer du sein, par exemple.
En valeur absolue, il y a trois fois plus d’infarctus chez les hommes que chez les femmes. Mais les femmes touchées ont une mortalité à trente jours et à un an deux fois plus importante que chez les hommes. Les femmes ont aussi plus de séquelles, comme l’insuffisance cardiaque, les troubles du rythme ventriculaire grave avec défibrillateur, ou encore la fatigue suite aux efforts.
- Comment expliquer ces disparités entre les deux sexes ?
Il y a plusieurs explications. D’abord, il y a un sous dépistage des problèmes cardiaques chez les femmes. Ensuite, les femmes tardent à réagir, car les symptômes de leur problème cardiaque sont, une fois sur deux, atypiques. Elles ne pensent ainsi pas forcément au cœur, et arrivent plus tard* que les hommes à l’hôpital, avec des lésions plus diffuses et des artères qui sont plus difficiles, voire impossibles, à revasculariser. Les femmes ne vont pas non plus assez en rééducation. Enfin, les facteurs de risque traditionnels (tabac, stress, sédentarité, précarité, obésité, diabète, hypertension…) sont plus nocifs sur une coronaire de femme que sur une coronaire d’homme.
- Quels signes doivent alerter les femmes sur un éventuel problème cardiaque ?
La fatigue, l’essoufflement à l’effort, les douleurs entre les épaules ou dans les seins, les réveils nocturnes, les paresthésies dans les bras et les mains, la difficulté à respirer ou à digérer, les palpitations, les nausées et les vomissements peuvent être les symptômes d’un problème cardiaque et doivent amener à consulter. La récurrence et l’augmentation de la durée des symptômes constituent un signal d’alarme supplémentaire.
- Y a-t-il des facteurs de risque émergeants pour le cœur des femmes ?
Le bon fonctionnement du cœur des femmes peut être menacé par plusieurs facteurs de risque émergeants :
- La contraception avec œstrogène de synthèse.
- Les grossesses tardives*.
- Les techniques de PMA (procréation médicalement assistée).
- Les valvulopathies et les cardiomyopathies méconnues, qui se développent notamment chez les femmes algériennes et africaines.
- La ménopause, qui supprime la protection hormonale (les femmes ont un risque d’accident cardiaque qui s’envole dans les cinq ans qui suivent l’arrêt des règles).
- Les maladies inflammatoires chroniques, qui touchent davantage les femmes.
- L'endométriose.
- Comment ces facteurs de risque émergeants ont-ils été identifiés ?
On identifie de nouveaux facteurs de risque cardiaque chez les femmes grâce au développement de la cardio/gynécologie, qui est née aux États-Unis. Aujourd’hui, les cardiologues et les gynécologues travaillent davantage ensemble, et ce partage de connaissances nous a fait prendre conscience que le poids des facteurs de risque hormonaux est très important dans les problèmes cardiaques féminins.
- Faut-il continuer à traiter les facteurs de risque traditionnels chez les femmes ?
Bien sûr.
- Les médecins doivent-ils modifier leur approche des problèmes cardiaques féminins ?
Oui, car il y a de grosses lacunes de connaissances chez certains médecins – c’est un phénomène générationnel et très genré. Il faut donc les former, afin qu’ils puissent notamment détecter les symptômes atypiques des problèmes cardiaques féminins, ce qui n’est pas toujours le cas.
- La "médecine du genre" progresse-t-elle dans votre domaine ?
On avance sur la médecine du genre, mais lentement, car faire changer les pratiques professionnelles d’un médecin est compliqué. Beaucoup sont cependant demandeurs de formation, et les jeunes praticiens sont mieux formés au corps des femmes.
- Que conseillez-vous aux femmes pour prendre soin de leur santé cardiaque ?
Il faut d’abord qu’elles se forment à la prévention, aux potentiels problèmes cardiaques qu’elles peuvent rencontrer et aux symptômes associés, ce qu’elles peuvent faire sur le site Agirpourlecoeurdesfemmes.com. Il faut aussi qu’elles s’écoutent et qu’elles ne minimisent pas leurs symptômes. Enfin, si elles ont un doute quant au diagnostic de leur médecin, qu’elles n’hésitent pas à demander un deuxième avis.
*Les femmes vont mettre entre 30 minutes et 7 jours pour être prises en charge suite à un problème cardiaque.
*Les maladies cardiovasculaires sont devenues la première cause de mortalité maternelle évitable (66% des cas se déclenchent pendant la grossesse ou l’année qui suit l’accouchement).