La dépression est un mal contemporain, corrélé à un mode de vie qui ne respecte plus les rythmes de la nature et donc de l’homme. Perte d’élan vital et d’estime de soi, grande tristesse, énergie dans les chaussettes, manque d’intérêt, émotivité… Le corps est épuisé. La dépression peut se dénir comme un « vide d’énergie ». Il existe autant de « déprimes » que de personnes qui en souffrent. Car bien que la dépression réponde à des critères précis, il n’existe pas « une » dépression uniforme, mais une multitude de déclinaisons de ce trouble. Toutefois, nous pouvons identier des éléments caractéristiques ou signes cliniques de la dépression. Ces signes sont au nombre de cinq et correspondent à cinq fonctions différentes du cerveau : l’envie, le plaisir, la concentration, le contrôle émotionnel et la capacité à se synchroniser dans l’espace-temps.
Le rôle des neuromédiateurs
Pour comprendre cet état si particulier, il faut évoquer le rôle des neuromédiateurs, ces substances chimiques produites par les neurones et assurant la bonne conduction de l’inux nerveux, donc la communication entre neurones. Lors d’un état dépressif, les neuromédiateurs sont altérés, perturbant ainsi les cinq fonctions du cerveau que nous venons d’évoquer. Chaque signe clinique ou caractéristique de la dépression est plus ou moins important : cela dépend des neuromédiateurs, qui peuvent être neutralisés à cause du stress ou fabriqués en quantité insufsante par manque d’apport nutritif. La compréhension des mécanismes de la dépression à partir des neuromédiateurs permet de mettre en place une approche très concrète et d’offrir une réponse adaptée en yogathérapie. Les postures et les méditations choisies pourront ainsi agir sur les différents neuromédiateurs selon la manière dont elles seront pratiquées.
Pour chaque neuromédiateur sont indiqués les troubles qui se produisent en cas de dysfonctionnement.
•La dopamine est responsable du désir, de l’envie. Elle peut être comparée au starter d’une voiture. Quand tout va bien, vous vous réveillez avec l’envie de passer une belle journée et vous n’avez aucune difculté à sortir de votre lit.
•La noradrénaline, responsable du plaisir, de la joie, peut être comparée à l’essence du moteur. Dopamine et noradrénaline donnent l’énergie pour avancer et agir. Quand ces neuromédiateurs dysfonctionnent, vous vous sentez épuisé, vidé, le moindre effort vous paraît une montagne, signes caractéristiques de la dépression.
•L’acétylcholine est responsable du bon fonctionnement de la concentration et de la mémorisation. Elle peut être comparée à l’embrayage du véhicule. Quand ce neuromédiateur dysfonctionne, vous n’arrivez plus à vous concentrer, à lire un livre, par exemple. Vous pouvez avoir des pensées en boucle avec des ruminations, source d’anxiété, qui vont vous épuiser. Car ces pensées qui tournent en boucle sont de grandes consommatrices d’énergie pour le cerveau.
•La sérotonine, assure le contrôle émotionnel. Elle peut être comparée au frein, elle régule nos émotions, permet d’apaiser, c’est le neuromédiateur du bien-être en quelque sorte. Quand elle dysfonctionne, vous pouvez être très émotif, à eur de peau, irritable.
•La mélatonine est le neuromédiateur responsable de notre bon sommeil. Elle peut être comparée à notre capacité à couper le moteur. Quand elle dysfonctionne, il y a une désynchronisation des rythmes, aggravée par des difcultés dans les relations sociales, avec un repli sur soi. La dépression avérée entraîne une dysfonction de tous les neuromédiateurs, qui perturbe les capacités de régulation de l’organisme (l’homéostasie) en créant souvent d’autres troubles, comme des douleurs ostéo-articulaires, des problèmes digestifs, des maux de tête, une perturbation du système hormonal, des problèmes de poids…
Le yoga peut être précieux pour les personnes souffrant de dépression : en les aidant à retrouver les sensations dans leur corps, à reprendre le contrôle de leur santé et à renouer avec la sensation de plaisir, il relance le fonctionnement des neuromédiateurs. En redonnant du mouvement au corps, le yoga redonne du mouvement à la vie. Plusieurs études ont montré l’efcacité du yoga dans la prise en charge de la dépression, mais également dans la prévention des rechutes. En effet, le yoga apporte un réel bien-être aux personnes souffrant de cette maladie, car il contribue à réduire le stress et l’anxiété, à développer la confiance en soi, à retrouver la liberté de vivre dans l’instant présent.
Agir sur le corps et le mental
La dépression est une maladie qui touche aussi bien la tête que le corps. Outre les pensées dévalorisantes et les ruminations mentales, elle se traduit par des sensations corporelles douloureuses. La pratique d’un yoga thérapeutique aide à lutter contre ces symptômes car elle permet d’agir autant sur le corps, en développant des sensations positives et agréables, que sur l’esprit et le mental, par l’induction de pensées positives. Le yoga est beaucoup plus qu’un simple exercice physique, il nous aide à mieux nous connaître, à la fois mentalement et corporellement, à explorer les profondeurs de notre être et à retrouver l’harmonie entre l’esprit et le corps.
Une fois que nous avons compris la dépression du point de vue du système nerveux central, avec les neuromédiateurs, nous pouvons mettre en place un programme adapté. En yoga thérapeutique, différents outils sont utilisés : les postures (asanas), les respirations et le travail du soufe (pranayama), les méditations, les relaxations et les visualisations. Le yogathérapeute vous fera remplir un questionnaire an de mettre en évidence quel neuromédiateur dysfonctionne ; puis, il fera un bilan de votre alimentation et de votre hygiène de vie et pourra vous conseiller des compléments alimentaires visant à rétablir l’équilibre dont votre corps a besoin.
Les postures en fermeture, les méditations et les relaxations renforcent la sécrétion de sérotonine et de mélatonine. Vous aurez alors plus de facilité à gérer l’émotivité, à vous apaiser et à trouver un bon sommeil. Pour cela, j’ai choisi d’intégrer dans ce livre des postures de yin yoga, réalisées au sol, où vous n’aurez aucun effort musculaire à faire, il s’agit plutôt de vous laisser faire, donc de lâcher le contrôle en quelque sorte. Ces postures sont maintenues entre 3 et 5minutes. Vous trouverez aussi des postures de yoga restauratif, tenues 20 minutes, qui, comme l’indique le nom de ce type de yoga, permettent au corps de se restaurer en profondeur.
Les postures debout, qui sont des asanas dynamiques et d’ouverture, visent à renforcer la sécrétion de dopamine et de noradrénaline qui, à leur tour, vont rehausser les sensations de plaisir et de joie, ainsi que l’estime de soi. Les méditations et les relaxations, quant à elles, agissent directement sur les pensées en boucle et vous aideront à prendre du recul et à ne pas vous identier à ces pensées pessimistes.
Nous sommes des individus multidimensionnels, nous ne sommes pas simplement des pensées ou des symptômes mais plutôt le fruit de leur interaction. La pratique du yoga nous aide à retrouver l’harmonie entre nos idées, nos comportements, nos humeurs et notre système corporel. Travailler notre corps pour équilibrer notre être… Nous pouvons ainsi grâce à cette pratique renouer avec la sensation de paix, de sécurité et de joie profonde, sat chit ananda comme l’appellent les yogis. Le yoga est un art qui permet de nous transformer en profondeur.
Pour en savoir plus, lisez "Je soulage ma dépression grâce au yoga", de Mélanie Veyrond, coll. Yoga & Santé – coéd. Terre vivante & Esprit yoga. Disponible en librairies, magasins bio et sur www.terrevivante.org.