Changer la première couche de son nouveau-né est souvent une grande étape pour les jeunes parents. Mais avant de la mettre à la poubelle, il vaudrait mieux jeter un coup d’œil à son contenu. Des chercheurs canadiens de l’université British Columbia (UBC) suggèrent que la composition du premier caca d'un bébé, une substance épaisse et vert foncé appelée méconium, en dit beaucoup sur la santé future du nourrisson, et notamment s’il développera ou non des allergies au cours de sa première année de vie. Les résultats de cette étude ont été présentés le 29 avril dans la revue Cell Reports Medicine.
Passer le méconium à la loupe
Examiner de près les premières selles du nourrisson permet d’avoir un aperçu de ce à quoi il a été exposé au début de sa vie. Le méconium, qui est généralement transmis au cours du premier jour de vie, est composé d'une variété de matériaux ingérés et excrétés au cours du développement, allant des cellules de la peau, du liquide amniotique et de diverses molécules appelées métabolites. “Le méconium est comme une capsule temporelle, révélant à quoi le nourrisson a été exposé avant sa naissance, précise Charisse Petersen, autrice de l’étude et chercheuse au département pédiatrie de l’UBC. Il contient toutes sortes de molécules rencontrées et accumulées par la mère dans l'utérus, et il devient alors la source de nourriture initiale des premiers microbes intestinaux.”
La composition du méconium permet notamment d’indiquer les risques allergiques au début de la vie du nourrisson. “Notre analyse a révélé que les nouveau-nés qui ont développé une sensibilisation allergique à l'âge d'un an avaient beaucoup moins de méconium ‘riche’ à la naissance que ceux qui n'ont pas développé de sensibilisation allergique”, a révélé Brett Finlay, chercheur à l’UBC et co-auteur de l’étude.
Plus il y a de types de molécules différents, moins il y a de risque
Dans le cadre de la recherche, les chercheurs ont analysé des échantillons de méconium provenant de 100 nourrissons, inscrits dans la cohorte canadienne CHILD qui étudie la santé maternelle, néonatale et infantile. Ils ont découvert que moins il y a de types de molécules différents dans le méconium d'un bébé, plus l'enfant risque de développer des allergies dans la première année de sa vie. Ils ont également découvert qu'une réduction de certaines molécules est associée à des modifications de groupes bactériens clés qui jouent un rôle essentiel dans le développement et la maturation du microbiote, qui est un puissant acteur de la santé et de la maladie. “Ces travaux montrent que le développement d'un système immunitaire et d'un microbiote sain peut en fait commencer bien avant la naissance d'un enfant et signale que les minuscules molécules auxquelles un nourrisson est exposé dans l'utérus jouent un rôle fondamental dans sa santé future”, estime Charisse Petersen.
Grâce à un algorithme d'apprentissage automatique, les chercheurs ont combiné le méconium, les microbes et les données cliniques pour prédire les risques allergiques du nourrisson à l'âge d'un an. Selon eux, cet algorithme permet de prévoir les risques avec un degré de précision de 76%. “Nous savons que les enfants allergiques sont les plus à risque de développer également de l'asthme. Nous avons maintenant la possibilité d'identifier les nourrissons à risque qui pourraient bénéficier d'interventions précoces avant même qu'ils ne commencent à montrer des signes et des symptômes d'allergies ou d'asthme plus tard dans la vie”, a conclu l’autre co-auteur principal, Stuart Turvey, chercheur à l’UBC et également codirecteur de l'étude de cohorte CHILD.