Touchant 900 000 personnes en France, la maladie d’Alzheimer est la forme la plus courante de démence liée à l’âge. Encore incurable à l’heure actuelle, cette maladie neurodégénérative entraîne de manière lente, progressive et irréversible un dysfonctionnement, puis la mort des cellules nerveuses du cerveau.
Deux phénomènes sont en cause. La maladie commence par la formation de plaques amyloïdes dans le cerveau, qui s’accumulent de manière anormale au niveau des neurones, entraînant de manière progressive et irrémédiable des lésions cérébrales. S’ensuite une accumulation anormale de protéine tau, qui obstrue l'intérieur des neurones.
Dans une étude publiée dans la revue Nature Medicine, une équipe internationale de chercheurs montre que cette protéine tau se propage selon quatre schémas distincts. "Cela suggère que la maladie d'Alzheimer est une maladie encore plus hétérogène qu'on ne le pensait jusqu'à présent, explique Jacob Vo-gel de l'Université McGill, auteur principal de l'étude. Nous avons maintenant des raisons de réévaluer le concept d'Alzheimer typique et, à long terme, les méthodes que nous utilisons pour évaluer la progression de la maladie."
4 schémas aux symptômes différents
La propagation de la protéine tau dans le cortex cérébral est un marqueur clé de la maladie d'Alzheimer. Ces dernières années, il est devenu possible de surveiller son accumulation dans le cerveau à l'aide de la technologie TEP (tomographie par émission de positons), une technique d'imagerie médicale avancée. Toutefois, ce développement n’est décrit qu’à l’aide d’un modèle unique, en dépit de cas récurrents qui ne correspondent pas à ce modèle.
La découverte de ces 4 schémas distincts de propagation de la protéine tau explique pourquoi des patients tous atteints de la maladie d’Alzheimer présentent des symptômes et des pronostics différents. "Elle nous amène également à nous demander si les quatre sous-types pourraient répondre différemment à différents traitements", souligne Oskar Hansson, professeur de neurologie à l'université de Lund, qui a supervisé l'étude.
Pour établir un tableau clinique de ces quatre sous-types de la maladie d’Alzheimer, les chercheurs ont suivi 1143 participants qui n'avaient encore développé aucun symptôme, ce que l'on appelle la maladie d'Alzheimer pré-symptomatique, ainsi que des participants présentant des troubles légers de la mémoire, et enfin des personnes atteintes d'une démence d'Alzheimer pleinement développée.
En utilisant un algorithme qui a passé au crible les données des images TEP des 1 143 patients, les chercheurs ont pu distinguer quatre sous-types de la maladie, qui sont devenus distincts au fil du temps. "La prévalence des sous-groupes variait entre 18 et 30 %, ce qui signifie que toutes ces variantes de la maladie d'Alzheimer sont en fait assez courantes et qu'aucune ne domine comme nous le pensions auparavant", explique Oskar Hansson.
Quels sont les 4 sous-types ?
Dans le premier identifié par les chercheurs, la protéine tau se propage principalement dans le lobe temporal et affecte surtout la mémoire. Ce variant est présent dans 33 % des cas.
Le deuxième sous-type se propage lui dans le reste du cortex cérébral. La personne a moins de problèmes de mémoire que dans le premier variant, mais a en revanche plus de difficultés avec les fonctions exécutives, c'est-à-dire la capacité à planifier et à former une action. Il se développe dans 18 % des cas.
Dans le cas du troisième sous-type, l’accumulation de tau a lieu dans le cortex visuel, la partie du cerveau où les informations provenant du nerf optique sont traitées et classées. Les personnes présentant ce modèle ont des difficultés à s'orienter, à distinguer les formes et les contours, la distance, le mouvement et l'emplacement des objets par rapport à d'autres objets. Ce troisième variant représente 30 % des cas.
Enfin, le quatrième sous-type est caractérisé par une propagation de la protéine tau de manière asymétrique dans l'hémisphère gauche, ce qui affecte principalement les capacités de langage de l'individu. Il se développe dans 19 % des cas.
Les chercheurs pensent que ces nouvelles connaissances pourront donner aux patients des méthodes de traitement plus individualisées à l'avenir.