- Apparu dans la ville brésilienne de Manaus en décembre 2020, le variant P.1 serait de 1,7 à 2,4 fois plus transmissible que les autres souches du coronavirus.
- Il serait aussi capable d'échapper à 10 à 46 % de l'immunité acquise lors d'une infection à une autre souche du SARS-CoV-2.
Faut-il craindre dans les prochaines semaines une explosion des contaminations au variant brésilien sur le sol français ? Alors que le Brésil fait face à une deuxième vague épidémique sans précédent, et compte plus de 400 000 morts depuis le début de la pandémie, le variant P.1 fait l’objet de plus en plus d’inquiétudes de la part de la communauté scientifique.
Dans une nouvelle étude publiée dans la revue Science, des chercheurs du Brésil, du Royaume-Uni et de l’université de Copenhague se sont penchés sur les particularités du variant P.1, apparu détecté pour la première fois le 6 décembre 2020 dans la ville brésilienne de Manaus, où la majorité de la population avait déjà été infectée par la souche d’origine du SARS-CoV-2.
"Notre modèle épidémiologique indique que le variant P.1 est probablement plus transmissible que les souches précédentes de coronavirus et qu'il est probablement capable d'échapper à l'immunité acquise lors d'une infection par d'autres souches", explique l'auteur correspondant de la nouvelle étude, Samir Bhatt, chercheur au département de santé publique de l'université de Copenhague.
Un variant combinant 17 mutations génétiques
Les chercheurs ont utilisé de nombreuses formes de données provenant de Manaus pour caractériser P.1 et ses propriétés, notamment 184 échantillons de données de séquençage génétique. Ils ont constaté que, génétiquement parlant, P.1 est différent des souches précédentes de coronavirus. Il a acquis 17 mutations dont un important trio de mutations dans la protéine spike (K417T, E484K et N501Y).
"Notre analyse montre que le P.1 est apparu à Manaus vers novembre 2020. Il est passé d'une situation où il n'était pas détectable dans nos échantillons génétiques à une situation où il représentait 87 % des échantillons positifs en seulement sept semaines. Il s'est depuis propagé à plusieurs autres États du Brésil ainsi qu'à de nombreux autres pays dans le monde", poursuit Samir Bhatt.
Jusqu’à 2,4 fois plus transmissible
Les chercheurs ont ensuite utilisé un modèle épidémiologique pour estimer dans quelle mesure le P.1 semblait transmissible. Ils ont également estimé les signes d'évasion de P.1 de l'immunité acquise lors d'une infection précédente.
Cette modélisation a permis aux chercheurs de conclure que le P.1 est probablement 1,7 à 2,4 fois plus transmissible que les lignées non-P1 du coronavirus.
Ils ont également conclu que le P.1 est probablement capable d'échapper à 10 à 46 % de l'immunité acquise lors d'une infection par un coronavirus non-P.1.
"En tant que chercheurs, nous devons nous garder d'extrapoler ces résultats pour qu'ils soient applicables partout ailleurs dans le monde. Cependant, nos résultats soulignent le fait qu'une surveillance accrue des infections et des différentes souches du virus est nécessaire dans de nombreux pays afin de maîtriser totalement la pandémie", conclut Samir Bhatt.
Des vaccins moins efficaces ?
Désormais majoritaire en Amérique du Sud, le variant P.1 a été détecté en Guyane ainsi qu’en Île-de-France, et en particulier dans le département du Val-de-Marne. Dans un avis datant du 16 avril, le Conseil scientifique sur le Covid-19 rappelle que "les anticorps induits par les vaccins ARNm (Pfizer et Moderna) et adénovirus (AstraZeneca) chez les sujets vaccinés neutralisent le variant P.1 quand ils sont à un titre élevé".
Ainsi, au Brésil et au Chili, des personnes âgées "vaccinées par le vaccin Pfizer" ont été infectées par le variant. Il reste prudent en affirmant que, pour l’heure, "l’efficacité des vaccins sur la transmission du variant P.1 n’est pas connue".
Il recommande cependant d’anticiper dès maintenant "l’arrivée possible du variant P.1. à l’été" en France en précommandant des vaccins capables de cibler les nouveaux variants, "en particulier Moderna". Ces vaccins "pourraient être disponibles à l’automne", estime le Conseil scientifique.