Le débat sur la légalisation du cannabis est un vieux serpent de mer. Plusieurs députés, dont certains venant de la majorité LREM, viennent de remettre une pièce dans la machine en publiant ce mercredi 5 mai un rapport dans lequel ils prônent une légalisation “encadrée” du cannabis. Leur position, bien loin de celle du président Emmanuel Macron qui y est fermement opposé, a pour objectif de “reprendre le contrôle” face aux trafiquants et mieux protéger les mineurs.
Changer de modèle
Le rapport est très critique quant aux politiques de répression menées depuis 1970, pointant un échec “indéniable et inquiétant”. Portée par l’élue LREM du Loiret, Caroline Janvier, le document de 280 pages estime que cette politique répressive “coûte cher et mobilise à l’excès les forces de l’ordre sans pour autant contribuer, même de manière marginale, à la résorption de l’usage et du trafic de cannabis.” Ces conclusions sont le fruit de trois mois de travail pendant lesquelles les députés ont multiplié les auditions de médecins, policiers, magistrats et chercheurs.
Pour “reprendre le contrôle”, le rapport propose de légaliser de manière “encadrée” un produit consommé quotidiennement par 1,4 million de Français. “C’est la meilleure façon de reprendre le contrôle, de protéger la santé des consommateurs, notamment des jeunes, et d’assurer la sécurité des Français”, assure Caroline Janvier à 20 Minutes. Le rapport, qui reconnaît que “le cannabis n’est pas un produit anodin”, se défend de tout “laxisme” et juge que la situation nécessite un changement de modèle pour “créer les conditions d’une réelle efficacité des politiques publiques”. “Empêcher effectivement l’accès des jeunes au cannabis, mener une véritable politique de prévention dans les établissements scolaires et auprès des familles, prendre en charge rapidement et réellement les consommations problématiques : tout cela exige aujourd’hui de changer de modèle”, juge le document.
Imposer cette question au cours de la prochaine élection présidentielle
Le rapport propose que la France crée un nouveau modèle, à mi-chemin “entre un modèle très régulé comme en Uruguay ou au Québec, et un modèle très libéralisé comme au Colorado”, avance Caroline Janvier. Celui-ci liste également plusieurs questions à trancher, comme celles “de l’autoculture, de la publicité, du niveau de taxation, du prix du gramme, du mode de distribution.” Par ailleurs, cette légalisation aurait des retombées financières non négligeables pour l’État. Selon les estimations du Conseil d’analyse économique, citées dans le rapport, “les recettes fiscales dégagées par le marché légal du cannabis représenteraient quelque 2 milliards d’euros annuels pour un marché de l’ordre de 500 tonnes, et de 2,8 milliards d’euros pour un marché de 700 tonnes.” Les emplois légaux de la filière “pourraient induire des cotisations sociales d’un montant total annuel compris entre 250 et 530 millions d’euros, voire jusqu’à 740 millions d’euros dans l’hypothèse haute de 80 000 emplois créés.”
Caroline Janvier souhaite que la question de la légalisation du cannabis soit présente lors de l’élection présidentielle en 2022. “On fera tout notre possible pour que le sujet du cannabis prenne la place qu’il mérite, qu’il soit abordé sous l’angle de l’efficacité de la politique publique”, assure la députée. Emmanuel Macron a lui annoncé souhaiter un “grand débat” sur les drogues. En ce sens, le gouvernement devrait lancer avant la fin de l’été une compagne de sensibilisation contre la drogue. Les députés de la mission d’information sur le cannabis souhaitent y prendre part “en participant à des réunions publiques par exemple”, annonce la député.