Mieux comprendre la migraine pour mieux la traiter. Des chercheurs américains de l’université de l’Illinois, à Chicago, ont découvert un nouveau mécanisme cellulaire potentiel pour la survenue de migraines chroniques qui offre un nouveau moyen de les traiter. Dans une étude présentée le 15 avril dans la revue eLife, ils décrivent comment l’inhibition de la protéine HDAC6 restaure la complexité neuronale dont l’atténuation est à l’origine de la survenue de migraines chroniques.
La clé se trouve dans le processus de plasticité neuronale
Pour bien comprendre ce mécanisme, il faut d’abord savoir comment fonctionne la plasticité neuronale, qui recouvre le processus de formation et de déformation des connexions entre les cellules nerveuses. Cette plasticité est essentielle à la fois aux causes et aux remèdes pour les troubles du système nerveux central tels que la dépression, la douleur chronique et la toxicomanie.
Dans le détail, la structure d’une cellule est maintenue par son cytosquelette qui est composé d’une protéine, la tubuline. Celle-ci se trouve dans un état constant de flux afin de changer la taille et la forme de la cellule au grès de ses activations et désactivations. Cette propriété dynamique de la cellule permet au système nerveux de s’adapter à son environnement. La tubuline est modifiée par un processus chimique appelé acétylation et on dit alors que la tubuline est acétylée. Cela favorise un cytosquelette flexible et stable. Mais dans le cas inverse, celui où la tubuline est désacétylée, cela entraîne une instabilité du cytosquelette et joue un rôle dans l'apparition de migraines. Ce mécanisme est causé par l'histone désacétylase 6, ou HDAC6, qui est une protéine basique.
La protéine HDAC6 en cause
Dans cette étude, menée sur des modèles de souris, les chercheurs ont montré qu’inhiber la protéine HDAC6 permet de restaurer l'acétylation de la tubuline et la flexibilité du cytosquelette. Cela conduit à inverser les corrélats cellulaires de la migraine et soulager la douleur associée. “Ces travaux suggèrent que l'état de migraine chronique peut être caractérisé par une complexité neuronale diminuée et que la restauration de cette complexité pourrait être une caractéristique des traitements anti-migraineux. Ces travaux constituent également la base du développement des inhibiteurs d'HDAC6 en tant que nouvelle stratégie thérapeutique pour la migraine”, s’est réjoui Amynah Pradhan, professeure de psychiatrie à l'université de l'Illinois et autrice principal de l’étude.
Ce nouveau modèle permet en quelque sorte de “réinitialiser” le cerveau vers son état de migraine pré-chronique. “Le blocage de HDAC6 permettrait aux neurones de restaurer sa flexibilité afin que le cerveau soit plus réceptif à d'autres types de traitement, précise Amynah Pradhan. Nous pensons que les personnes souffrant de migraines chroniques ont flexibilité neuronale diminuée. Si nous pouvons restaurer cette complexité, nous pourrions peut-être le rendre plus réceptif aux thérapies de gestion de la douleur.”
Des traitements inhibiteurs de HDAC6 sont actuellement en développement pour le cancer et cette protéine a été identifié dans d’autres types de douleur. “Cela ouvre la possibilité de quelque chose que nous devrions examiner à une plus large échelle, a conclu la chercheuse. Ces changements sont peut-être une caractéristique de toutes sortes d'états de douleur chronique.”