- Contrairement à ce que les études suggéraient jusqu'ici, ce sont les lésions à la substance blanche du cerveau, et non celles de la matière grise, qui sont liées à une altération des fonctions cognitives après un accident vasculaire cérébral (AVC).
- Cette substance blanche, constituée de millions d'axones, relie les neurones des différentes régions cérébrales.
- Des lésions apparaissant sur les centres de connexion de cette substance blanche dense sont fortement liées à une altération des fonctions cognitives, montre l'étude.
Il existe une idée reçue selon laquelle la matière grise, composée des neurones formant le cortex cérébral, est plus importante que la substance blanche. Remplissant presque la moitié de notre cerveau, cette substance blanche est pourtant primordiale pour nos fonctions cognitives : elle est constituée de millions de "câbles" (les axones) recouverts de myélines, qui connectent les uns aux autres les neurones de différentes régions cérébrales.
Une nouvelle étude, menée par des chercheurs de l’université de l’Iowa (États-Unis) et publiée dans la revue PNAS établit une conclusion différente. Ses auteurs, qui ont étudié les scanners cérébraux et les tests des fonctions cognitives de plus de 500 personnes présentant des zones localisées de lésions cérébrales causées notamment par des AVC, estiment que l’état de la substance blanche renseigne davantage que celui de la matière grise sur la santé cognitive.
En examinant les lésions cérébrales des patients, les chercheurs ont en effet établi une corrélation entre le niveau de connectivité des zones endommagées et le niveau de déficience cognitive du patient. Les résultats suggèrent que les lésions des régions hautement connectées de la substance blanche sont plus prédictives de déficience cognitive que les lésions des noyaux de matière grise hautement connectés.
Le rôle-clé de la substance blanche dans les fonctions cognitives
Pour mesurer la connexité des réseaux et identifier les nœuds, c’est-à-dire les régions cérébrales hautement connectées, les chercheurs ont utilisé des modèles mathématiques, qu’ils ont ensuite appliqué pour analyser les scanners cérébraux pour trouver les cas où les zones endommagées coïncidaient avec les nœuds. En utilisant les données de plusieurs tests cognitifs pour ces patients, ils ont également pu mesurer l'effet des lésions des hubs sur les résultats cognitifs. De manière surprenante, les lésions des plaques tournantes de la matière grise hautement connectée n'ont pas été fortement associées à de mauvais résultats cognitifs. En revanche, les lésions des centres de la substance blanche dense étaient fortement liées à une altération des fonctions cognitives.
"Le cerveau n'est pas une toile blanche où toutes les régions sont équivalentes ; une petite lésion dans une région du cerveau peut avoir un impact minime sur la cognition, alors qu'une autre peut avoir un impact énorme. Ces résultats pourraient nous aider à mieux prédire, sur la base de la localisation de la lésion, quels patients risquent de souffrir de troubles cognitifs après un accident vasculaire cérébral ou une autre lésion cérébrale, explique ainsi le Pr Boes, co-auteur des travaux et membre de l'Iowa Neuroscience Institute. Il est préférable de connaître ces éléments à l'avance, car cela donne aux patients et aux membres de leur famille un pronostic plus réaliste et permet de cibler plus efficacement la rééducation."
Pour Justin Reber, qui a aussi participé aux travaux, ces nouveaux résultats montrent l’intérêt de travailler avec des patients cliniques pour mieux comprendre les relations entre la structure et la fonction du cerveau.
"De nombreuses et excellentes recherches utilisant l'imagerie cérébrale fonctionnelle avec des participants sains ou des simulations informatiques nous indiquent que ces noyaux de matière grise sont essentiels au fonctionnement du cerveau et que l'on peut les utiliser pour prédire les performances des personnes en bonne santé lors de tests cognitifs. Mais lorsque nous examinons comment les accidents vasculaires cérébraux et d'autres lésions cérébrales affectent réellement les gens, il s'avère que l'on peut prédire beaucoup plus de choses à partir des lésions de la substance blanche", explique-t-il. Selon lui, "cette étude rappelle que les connexions entre les régions du cerveau peuvent avoir autant d'importance que ces régions elles-mêmes, sinon plus".