Et si certains cancers avaient une origine préhistorique ? Des scientifiques américains ont découvert l’existence d’un lien entre des rétrovirus préhistoriques et le cancer de l’œsophage, alors qu’ils ne s’y attendaient pas. Cette équipe de scientifique du centre médical Irving de l’université de Columbia aux États-Unis a créé des organoïdes œsophagiens grâce à des tissus prélevés sur des souris pour étudier le développement du cancer de l’œsophage. Dans Nature Genetics, ils racontent que cette expérience leur a permis de découvrir le rôle du gène SOX2 dans l’apparition de ces tumeurs : il active des éléments rétrovirus endogènes, soit d’anciens rétrovirus présents dans le génome humain depuis des millions d’années. Concrètement, ces anciens virus se sont dégradés dans notre organisme et se sont ainsi insérés dans les gènes, ce qui perturbe leur fonctionnement. "C’était surprenant", confie Adam Bass, le directeur de cette étude. "Nous n’étions pas spécifiquement à la recherche d’éléments viraux."
Quel est l’impact de cette découverte ?
Cette découverte inattendue pourrait améliorer l’efficacité de traitements déjà disponibles, comme l’immunothérapie. "Lorsque les cellules activent de nombreux rétrovirus endogènes, cela génère une quantité importante d’ARN à double-brin, qui pénètre à l’intérieur du cytoplasme de la cellule, explique Adam Bass. Cela créé un état similaire à celui d’une infection virale et peut déclencher une réaction inflammatoire. De cette manière, les rétrovirus endogènes rendent le cancer plus sensible à l’immunothérapie." Selon lui, de nombreux chercheurs travaillent sur des manières de piéger les cellules cancéreuses en activant les rétrovirus endogènes. Ils s’intéressent notamment au rôle de l’enzyme ADAR1 : elle est associée à des taux de survie plus faible, mais peut dégrader les ARN à double-brin des rétrovirus. D’après les études déjà réalisées, lorsque cette enzyme est bloquée grâce à l’immunothérapie, les taux de survie sont meilleurs.
Un cancer plus fréquent
La recherche sur ce cancer est d’autant plus nécessaire qu’il est aujourd’hui associé à des taux de survie faibles. À 5 ans, il est d’environ 20% chez les femmes et de 16% chez les hommes. En France, environ 4 500 cancers de l’œsophage sont diagnostiqués chaque année. D’après la Société savante des maladies et cancers de l’appareil digestif, il est aujourd’hui six fois plus fréquent qu’il y a trente ans. 90% des cas sont liés au tabac ou à l’alcool.