- Cela expliquerait pourquoi certaines personnes, pourtant guéries, soient à nouveau testées positives au SARS-CoV-2 des mois plus tard.
- Une première pré-publication, en décembre dernier et supprimée depuis, avait été vivement critiquée faute de preuves suffisantes.
- Cette fois, les chercheurs avancent plus de preuves mais leurs résultats ont été découvert en laboratoire et méritent confirmation.
Peut-on y croire ? Des chercheurs américains du prestigieux Massachusetts Institute of Technology (MIT) ont apporté de nouvelles preuves suggérant que les gènes du SARS-CoV-2 peuvent s’intégrer à notre ADN. Dans une étude publiée dans le PNAS, ils montrent, grâce à la culture de cellules en laboratoire, comment des fragments génétiques du coronavirus peuvent s’intégrer dans nos chromosomes. Ils affirment même disposer de “preuves sans équivoque que les séquences de coronavirus peuvent s’intégrer dans le génome”. Cela pourrait, selon eux, expliquer que certaines personnes, pourtant guéries, soient à nouveau testées positives au SARS-CoV-2 des mois plus tard, bien qu’il n’y ait aucune preuve de réplication virale.
Une première pré-publication supprimée
Pour arriver à ces conclusions, les chercheurs s’appuient sur la capacité d’une enzyme présente dans les cellules humaines à transformer les séquences virales en ADN pour les insérer dans nos chromosomes. Cette enzyme, la transcriptase inverse, est codée par des éléments LINE-1 (L1), des séquences qui recouvrent environ 17% du génome humain et qui représentent des artefacts d’anciennes infections par des rétrovirus. La majorité de ces éléments restent inactifs mais certains, que l’on appelle les rétrotransposons, conservent la capacité de se déplacer de manière autonome au sein du génome.
Les chercheurs sont partis de ce postulat pour étudier, au cours d’expérimentations en laboratoire, si ce même mécanisme peut se produire avec des artefacts de coronavirus. Dans une prépublication parue en décembre dernier, ils ont avancé que lorsque des cellules humaines enrichies en éléments LINE-1 étaient infectées par le coronavirus, des versions d’ADN des séquences du SARS-CoV-2 parviennent à se nicher dans les chromosomes des cellules. Ces résultats ont valu à leurs auteurs de nombreuses critiques et à la pré-publication d’être supprimée. Parmi les critiques, des chercheurs britanniques ont souligné, dans une étude pré-publiée le 5 mars dernier dans la revue bioRxiv, que la technique utilisée a orienté les résultats puisque les supposées chimères d’ADN viral-humain étaient systématiquement créées par la technique même qui permettait de les détecter dans les chromosomes. Une étude menée par des chercheurs chinois, et publiée le 25 février dernier dans la revue Frontiers in Cellular and Infection Microbiology, a affirmé que le coronavirus interagit avec le rétrotransposon endogène dans les cellules humaines.
De nouvelles preuves
Dans cette nouvelle recherche, les scientifiques du MIT ont fourni de nouvelles preuves que les artefacts seuls ne peuvent expliquer les niveaux détectés d’ADN chimérique viral-humain. Par ailleurs, ils ont montré que des portions d’éléments LINE-1 encadrent la séquence génétique virale, indiquant que des séquences de l’ARN du SARS-CoV-2 peuvent être transcrites en sens inverse et intégrées dans le génome de la cellule infectée avant d'être exprimées sous forme de transcrits chimériques, fusionnant le virus avec des séquences cellulaires humaines.
Des résultats qui laissent d’autres spécialistes perplexes
Pour Cedric Feschotte, qui étudie les fragments de rétrovirus endogènes dans le génome humain à l’université Cornell, l’hypothèse avancée par les chercheurs du MIT est “plausible” mais le scientifique réclame plus de preuves avant d’affirmer que le virus est capable de pénétrer dans le génome. “Les données d’intégration dans la culture cellulaire sont beaucoup plus convaincantes que ce qui était présenté dans la préimpression, mais elles ne sont toujours pas totalement claires”, a-t-il affirmé dans un article paru dans la revue Science. Par ailleurs, les données présentées ne résultent que de manipulations en laboratoire. “La signification clinique ou biologique de ces observations, le cas échéant, est une question de pure spéculation à ce stade”, estime-t-il.
L’article de la revue Science cite également Harmit Malik, un spécialiste des virus anciens du génome humain au Fred Hutchinson Cancer Research Center à Seattle, qui juge pertinente la question de savoir pourquoi les personnes qui auraient dû éliminer définitivement le virus obtiennent des résultats positifs aux tests PCR. Pour autant, l’explication fournit par les chercheurs du MIT le laisse perplexe, soulignant que “dans des circonstances normales, il y a peu de mécanismes de transcription inverse disponibles” dans les cellules humaines.