Antibiotiques, antinauséeux ou encore les anticancéreux… Ces médicaments courants soulagent sur le court terme mais ont aussi des effets secondaires néfastes. Ils sont notamment accusés de perturber le rythme cardiaque de certains patients, en causant une forme d’arythmie cardiaque appelée syndrome du QT long. Il s’agit d’une anomalie du système électrique du cœur, qui contrôle la fréquence et le rythme cardiaque. Pour mesurer l’activité électrique de cet organe lorsqu’il bat, les patients doivent réaliser un électrocardiogramme. À la fin de l’examen, un graphique représente chaque partie du battement du cœur par les lettres P, Q, R, S et T. Le diagnostic du syndrome du QT long est établi lorsqu’une personne présente un intervalle trop long entre les points Q et T sur le graphique de son électrocardiogramme. Les symptômes dont peuvent souffrir les patients sont des battements rapides et inégaux de leur cœur qui peuvent causer des convulsions, des évanouissements et, dans les cas les plus graves, une mort subite si le cœur s’arrête de battre.
C28 réduirait le risque de syndrome du QT long
La conséquence de ce risque de développer un syndrome du QT long est que les médecins limitent les doses prescrites des médicaments mis en cause, réduisant ainsi leur efficacité thérapeutique. Certains d’entre eux ont même été retirés de la vente. Mais une équipe de chercheurs pourrait changer les choses. Ils viennent de découvrir un composé, nommé C28, qui empêche l’allongement de l’intervalle entre les points Q et T, et réduit in fine le risque de développer un syndrome du QT long. Ce composé C28, administré en complément des médicaments mis en cause, pourrait permettre d’augmenter les doses prescrites et donc l’efficacité de ces traitements. D’autant plus que C28 n’a aucune incidence sur les bénéfices de ces médicaments, il ne fait qu’annihiler leurs effets secondaires. Les scientifiques viennent de publier leur étude dans la revue Proceedings of the National Academy of Sciences (PNAS).
C28 influence certains canaux potassiques du coeur
Dans le cœur, la performance cardiaque dépend des canaux potassiques. Il s’agit d’un type de canal ionique qui permet le passage à grande vitesse des ions, c’est-à-dire des atomes ou des molécules portant une charge électrique. Pour mener leurs travaux, les chercheurs ont donc ciblé ces canaux potassiques : les IKr plus rapides et les IKs plus lents. "Ceux rapides ont un rôle majeur, explique Ira Cohen, l’une des autrices de l’étude. Si vous les bloquez, il en résulte un syndrome du QT long. Les IKs sont très lents et y contribuent beaucoup moins." De cette différence, les scientifiques ont estimé que l'augmentation des IKs pourrait contribuer à maintenir une activité électrique normale du cœur et réduirait le risque de développer un syndrome du QT long. Ainsi, ils ont cherché un composant pouvant jouer un rôle bénéfique sur les IKs. Une fois le composé C28 trouvé, ils ont mesuré son impact, à différents niveaux de concentration, sur les IKs. Ils en ont déduit que C28 améliorait la fonction du canal potassique IKs et empêchait l’allongement de l’intervalle entre les points Q et T causé par les médicaments. Enfin, ils ont constaté que C28 n’entravait pas l’action thérapeutique des traitements.
À terme, certains médicaments pourrait être recommercialisés
"Nous sommes très enthousiastes à ce sujet, conclut Ira Cohen. Pour beaucoup de ces traitements, il y a une concentration du médicament qui est acceptable, mais cela devient dangereux à des doses plus élevées. Si C28 peut éliminer le risque d’allongement de l'intervalle entre les point Q et T, alors ces médicaments peuvent être utilisés à des concentrations plus élevées, et en dans de nombreux cas, ils peuvent être plus efficaces." À terme, cette découverte pourrait permettre de recommercialiser des médicaments et d’améliorer la prise en charge des patients.