- Les rêves seraient un moyen pour le cerveau d’éviter une trop grande familiarité avec les apprentissages du quotidien.
- Les rêves bizarres permetteraient ainsi de mieux appréhender les nouvelles situations.
Le pourquoi du comment de nos rêves demeure un mystère qui fascine les scientifiques autant qu’il les divise. En utilisant l’intelligence artificielle, le neuroscientifique Erik Hoel, professeur et assistant de recherche en neurosciences à l'Université Tufts, plaide pour l’hypothèse de la théorie du cerveau sur-ajusté. La théorie, décrite le 14 mai dans la revue scientifique Patterns, suggère que l'étrangeté de nos rêves aide notre cerveau à mieux s’adapter aux situations de la vie quotidienne.
Les rêves, un moyen de sortir de la familiarité du quotidien
Pour tenter de comprendre la raison pour laquelle nous rêvons, Erik Hoel a utilisé l’intelligence artificielle. Cette technologie s’inspire du fonctionnement du cerveau humain qui réagit à de nouvelles situations en utilisant les données de situations apprises. La limite est que cela se fait parfois de manière trop parfaite et trop collée aux données sur lesquelles elle est entraînée. Pour l’adapter, et limiter ce sur-apprentissage, les chercheurs ont introduit un certain chaos dans les données, grâce à des méthodes dites de régularisation. L’une des méthodes pour y parvenir consiste à ignorer au hasard certaines données.
Pour mieux comprendre cette méthode, les chercheurs prennent l’exemple des voitures autonomes qui fonctionnent grâce à l’intelligence artificielle. Celles-ci sont capables d’appliquer et d’adapter ce qu’elles ont appris face à de nouvelles données, en l’occurrence de nouvelles situations lors de la conduite. Appliquer la méthode de régularisation reviendrait ici à faire apparaître soudainement des carrés noirs sur l’écran interne de la voiture autonome. Celle-ci sera alors obligé de se concentrer sur la globalité de son environnement et non plus sur les détails pour s’adapter. In fine, cela lui permettra d'acquérir une expérience plus générale de la conduite.
Répéter la même tâche pour provoquer des rêves
Selon Erik Hoel, nos rêves seraient l’équivalent dans notre cerveau des carrés noirs dans la voiture autonome. “Si vous regardez les techniques que les gens utilisent pour régulariser l’apprentissage en profondeur des réseaux de neurones, on peut remarquer que ces techniques présentent des similitudes frappantes avec les rêves”, précise-t-il. Les rêves seraient alors un moyen pour le cerveau d’éviter une trop grande familiarité avec les apprentissages du quotidien et son outil pour contrer cet effet. “C'est l'étrangeté des rêves, leur divergence avec nos expériences réelles qui leur donne leur fonction biologique”, estime-t-il.
Pour soutenir son hypothèse, le neuroscientifique s’appuie sur des preuves issues d’études précédentes. Il a par exemple été démontré que le moyen le plus fiable de provoquer des rêves sur quelque chose est d'effectuer de manière répétitive une nouvelle tâche pendant que l’on est éveillé. L’entraînement excessif à cette nouvelle tâche va déclencher la condition de sur-ajustement et le cerveau va ensuite tenter de la généraliser par la création de rêves.
Les rêves, un moyen de tromper l’ennui
Le scientifique explique que de plus amples recherches sont nécessaires pour déterminer si cela est vraiment la raison pour laquelle nous rêvons. Il ajoute que des tests comportementaux bien conçus pourraient permettre d'en apprendre plus, notamment en étudiant les effets de de la privation de sommeil.
Enfin, Erik Hoel aimerait également explorer les “rêves artificiels”. Selon lui, les stimuli extérieurs comme les romans ou les émissions de télévision pourraient agir comme des substituts aux rêves. “La vie est parfois ennuyeuse, a-t-il conclu. Les rêves sont là pour vous empêcher de devenir trop adapté au modèle du monde.”